Viva Vittorio : Juste pour rire
Le Musée national des beaux-arts du Québec expose une centaine d’affiches de l’incomparable et coloré VITTORIO FIORUCCI. De l’art, de l’humour et de l’engagement.
À ceux qui demandaient à Vittorio pourquoi il ne fait pas de la peinture, il répondait: "J’aime bien parler de femmes et de voitures, mais pas d’art!" À 70 ans et des poussières, "l’homme" n’a rien perdu de sa verve. Vous l’avez probablement reconnu, Vittorio, c’est le créateur du fameux diablotin, d’abord héros de ses BD, devenu depuis les années 80 l’effigie du Festival Juste pour rire. Mais l’oeuvre de l’affichiste, né à Zara, en Croatie, et arrivé à Montréal en 1951, ne se limite pas à cet unique personnage hilare. "Vittorio est l’un des plus grands affichistes québécois de renommée mondiale." Ce sont les mots de John Porter, directeur du MNBAQ, que l’exposition ne dément aucunement. Elle est en effet une excellente occasion de découvrir l’étonnant travail de cet affichiste et permet de poser "un regard neuf sur l’itinéraire graphique de cet artiste polyvalent et combien inventif". Reconnaissance pour cet artiste à bien des égards marginal, à la suite de l’exposition que lui consacrait le Centre culturel Yvonne L. Bombarbier de Valcourt l’an dernier. À ceux qui lui demandaient encore pourquoi faire des affiches, il répondait: "Parce que je préfère ne pas attendre 20 ans avant d’être reconnu, je veux que mes affiches soient vues tout de suite! Partout!" Ça sera fait!
Viva Vittorio regroupe plusieurs affiches liées au monde des arts, d’autres engagées et, enfin, un troisième groupe davantage commerciales, notamment un triptyque pour l’ancienne compagnie Québecair. Dans tous les cas, comme le souligne Line Ouellet, à la direction de projet au Musée, "pour un art de commande, comme l’est aussi l’architecture, Vittorio fait partie des créateurs qui ont une vision et une grande intégrité". Dès les années 70, Vittorio a déjà une réputation internationale, que confirmeront plusieurs prix. Une renommée qui l’amènera au Japon, aux États-Unis, en Europe. "Les années 60 et 70, c’est une période de liberté absolue", rappelle Vittorio. Il réalise alors des affiches pour le cinéma, dont celle de À tout prendre, de Claude Jutra, au Festival international du film de Montréal (1964), d’autres pour les sculpteurs Robert Roussil au Musée d’art contemporain, pour Armand Vaillancourt aussi. Des affiches écologiques et engagées parsèment son oeuvre: "Je ne fais pas d’affiches politiques, mais universelles! Mais Armand [Vaillancourt] finit toujours par m’avoir… Les prisonniers politiques ou Mirabel! Mais moi, je fais ma bagarre à ma façon."
De découverte en découverte, la centaine d’affiches est accompagnée de quelques superbes photographies (des portraits de femme dans lesquels il excelle) et de quelques BD. Tout pour nous faire apprécier le travail "efficace et percutant" de cet artiste qui continue toujours de produire (il a réalisé l’affiche annonçant l’exposition au Musée). On apprécie son traitement unique des formes et des couleurs en aplat, son style, sa signature… À ceux qui disaient à Vittorio, tel qu’il le relate avec esprit: "Tu n’as pas le droit d’être photographe, Vittorio! Tu n’es pas sérieux! Tu fais des cartoons, des affiches, des BD, tu te cherches…", le Musée national des beaux-arts répond, en coeur avec l’artiste, en reconnaissant au grand jour la qualité et la diversité de son oeuvre.
Jusqu’au 29 février 2004
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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Parcours et débordements
Pour la première édition de ce nouvel événement qui se veut annuel, l’Oil de poisson a invité Pierre Bourgault. Fondateur de l’École de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli, il a très tôt, dès les années 60, été en "conflit avec son milieu, […] il dénonce, écrivait Claire Gravel pour le Musée régional de Rimouski, les "sempiternelles rengaines" d’un artisanat stagnant…" L’artiste a une longue feuille de route: expositions individuelles, collectives, plusieurs intégrations d’oeuvres d’art à l’architecture. Sculpteur et navigateur, il a investi les deux espaces d’exposition du centre d’artistes de la côte d’Abraham, de même qu’un des quais du port de Québec, où il a installé trois conteneurs empilés les uns sur les autres. On découvre, dès notre arrivée dans la galerie de l’Oil de poisson, que les conteneurs sont un lien pour nous amener vers son projet utopique. Celui d’aménager un cargo, à la fois lieux de production et de diffusion de l’art… Un bateau-musée itinérant qui naviguerait partout avec artistes et oeuvres à bord, jetant l’ancre sur toutes les rives possibles. Une façon de démocratiser l’art: "Il y a tellement de problèmes humains! Pour moi, c’est par l’art que les gens peuvent trouver une raison de vivre, au lieu d’être en compétition, de se massacrer…" Une maquette et des détails du projet nous accueillent dans la galerie doublée d’une occupation des lieux par des oeuvres récentes de Bourgault, chez qui l’accessibilité de l’art ne veut pas dire qu’il soit pour autant simpliste…
Fondamentalement lié à sa vie et à son expérience de la navigation, à ces codes, à ces outils, son art n’en est jamais pour autant une élémentaire représentation. Mais plutôt un des chemins qui mènent au développement de concepts et d’objets. Un exemple? Le titre NNNEEESSSSSOOONN au 47e parallèle renvoie aux multiples combinaisons possibles des quatre points cardinaux… Dans la galerie, on trouve trois grandes cartes marines suspendues sur lesquelles sont inscrits les trajets effectués en bateau, dessins reliant point par point des données du GPS gardées en mémoire lors des périples sur le fleuve. Telle une constellation, chaque point compose une forme déterminée par le parcours du Zodiac. Information conditionnelle à l’appréciation de l’oeuvre? Le mur du fond est d’un vert gris énigmatique: c’est une pâte de boue puisée à même le fleuve. Puis, un muret de dizaines de blocs de sel blanc (12 300 livres de sel!) fond lentement sous l’effet de l’eau qui s’écoule par un gicleur. Dans la petite galerie, une projection vidéo (une parfaite occupation de cet espace) ouvre telle une fenêtre sur la mer dont l’image de l’eau ira jusqu’à donner quelques vertiges. Ce projet est exemplaire de l’oeuvre de cet artiste, dont l’art depuis les années 70 est supporté par un même leitmotiv: travailler notre rapport à l’oeuvre par delà les évidences. Si d’aventure on peut avoir accès à certains détails du cheminement de l’artiste, ses oeuvres peuvent mener sur le terrain des profondeurs. À voir. NNNEEESSSSSOOONN au 47e parallèle, jusqu’au 12 octobre.