Heather Nicol : Récit sous haute surveillance
Au premier coup d’oeil, l’imposante quantité de formes pliées en papier se répétant dans la salle du bas à la Galerie 101, amoindrit notre ardeur à vouloir franchir le seuil de l’exposition….
Dans son installation, HEATHER NICOL a suspendu un millier d’origamis au rez-de-chaussée et a épinglé 730 enveloppes défilant tel un collier le long des murs à l’étage supérieur de la galerie. En plus, grâce une caméra de surveillance située en bas, et reliée à un moniteur de contrôle en haut, ces deux volets de l’installation Pliage et dépliage sont synchronisés.
Depuis le tragique récit l’histoire d’une fillette de deux ans qui avait contracté la leucémie après avoir été exposée à l’irradiation de la bombe atomique larguée sur Hiroshima, les grues en papier plié sont devenues un symbole pour la paix universelle dans le monde. Cependant, Heather Nicol n’a pas choisi de répéter des grues pour l’installation, ce sont des avions, mais tous autant colorés et séduisants. En somme, l’effet des avions devrait être pareil à celui des grues, sinon un peu plus cynique par rapport à la politique internationale actuelle.
À l’étage, le ruban formé par les enveloppes qui se succèdent le long des murs de la salle nous informe plus sur le sujet tramé derrière l’installation. Chacune porte la date correspondant à un lieu depuis le 11 septembre 2001 jusqu’au 11 septembre 2003; nous pouvons facilement alléguer qu’il s’agit de l’itinéraire personnel de quelqu’un depuis les attentats de New York. Ici, il n’y a aucun message d’espoir ou de paix: il s’agit des épisodes quotidiens d’une personne qui vraisemblablement a décidé de les axer autour de la date et, peut-être, pas l’événement en soi. Notre regard suit tout au plus le trajet ponctué de cet individu – sûrement celui l’artiste – depuis deux ans.
Si les origamis du bas sont liés symboliquement à l’effet causé par la guerre, en haut c’est tout le contraire. Le défilement des lieux par rapport aux dates n’est pas congruent à la mémoire collective comme l’élément du rez-de-chaussée. Jusqu’à là, l’installation peut sembler un travail d’opposions formelles; mais le moniteur de contrôle accompagné d’une chaise longue intensifie d’une autre façon la filiation qui s’opère entre le bas et le haut.
Par le biais du mécanisme de surveillance nous apportons un regard accessoire à l’installation. Ce mécanisme nous oblige à guetter activement ce qui se passe dans l’espace du bas. En opposition, la chaise nous rappelle l’endroit où nous consommons habituellement les informations passivement. La confrontation de ces deux regards n’apporte aucun renseignement de plus sur l’installation, sauf qu’elle nous renseigne sur la manipulation qui a lieu à nos dépens tous les jours. Sentant la tricherie, nous abandonnons le moniteur de surveillance, puis retournons à la chronologie épinglée sur les murs.
Quoiqu’elle est un peu trompeuse avec ses dates, cette dernière est le seul élément qui ne nous rapporte pas constamment à l’angoisse collective. Nous pouvons y laisser notre errer notre esprit au gré des lieux, comme s’il s’agissait d’un tout autre récit, car la séquence des dates se termine le 11 septembre 2003, soit la veille de l’exposition: ce qui conclut l’histoire.
Jusqu’au 18 octobre
À la Galerie 101
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