Mutations de Riopelle/Habitatio de Danielle April : Roche papier ciseaux
La Maison Hamel-Bruneau accueille les collages de Riopelle et une installation de DANIELLE APRIL. Approfondir la connaissance de l’oeuvre de Riopelle et découvrir un espace révélé par l’art contemporain.
À propos de l’oeuvre de Riopelle, les camps se divisent. On pourrait dire, sans trop de nuances, qu’il y a ceux qui considèrent que son apport à l’histoire de l’art se concentre surtout aux productions des années 1950 (les tableaux les plus cotés sur le marché de l’art), et les autres qui le suivent jusqu’à son Hommage à Rosa Luxembourg. Monique Brunet-Weinmann fait partie de ces derniers. Inépuisable, l’art de Riopelle? C’est ce que laisse comme impression la très belle exposition des collages du plus célèbre des peintres québécois. Une quinzaine d’oeuvres réalisées depuis les années 60 jusqu’aux années 80 rassemblées par la fille du peintre Iseult Riopelle et la critique d’art Monique Brunet-Weinmann, qui travaillent également depuis quelques années au catalogue raisonné de l’oeuvre de Riopelle. L’exposition itinérante nous vient du Musée d’art contemporain des Laurentides (anciennement le Centre d’exposition du Vieux-Palais de Saint-Jérôme) et regroupe plusieurs oeuvres jamais exposées au Canada, la plupart provenant de collections particulières américaines et canadiennes. Si les collages présentés ne sont pas tous des chefs-d’oeuvre, reste qu’on ne peut que reconnaître encore une fois le grand talent de cet artiste. Quel plaisir de voir Logis et Skite Rye, deux collages réalisés en 1967, les litho-collages, les papiers marouflés et autres techniques mixtes, un autoportrait de 1989 (il n’en a fait que deux dans tout son corpus), un ensemble de 10 sérigraphies de 1981, etc.
Les collages de Riopelle n’avaient jamais été l’objet d’une étude approfondie. Monique Brunet-Weinmann s’est penchée sur cette part de son oeuvre pour en découvrir les particularités. "La pratique du collage constitue l’une des innovations plastiques les plus marquante du XXe siècle", écrit-elle dans le catalogue accompagnant l’exposition. Dans cet univers, Riopelle se démarque, notamment parce qu’il "accentue la coupure, la fracture, le fractionnement de la surface" plutôt que de la faire disparaître, de la camoufler… Pas léchés, les collages de Riopelle! Mais encore, et c’est un des résultats de la recherche de Monique Brunet-Weinmann, Riopelle a recyclé ses propres oeuvres, découpant et intégrant ses lithographies. Cela lui a permis de "revisiter son bestiaire, de revenir aux hiboux, aux masques, de télescoper ses images et de les fusionner pour d’étranges mutations génétiques: oie-hibou-masque-corde […]". Ce qui a toujours fasciné Monique Brunet-Weinmann, et ce qui fait la richesse de l’oeuvre, ce sont les allers-retours et les passages d’une technique à l’autre. Il faut voir ce bel ensemble de pièces de Riopelle (le montage est impeccable) et faire aussi un détour par le Musée national des beaux-arts du Québec qui présente, en partenariat avec la Maison Hamel-Bruneau, deux collages de grands formats faisant partie de l’exposition.
À voir également à la Maison Hamel-Bruneau, une installation de Danielle April. Commentaire sur l’architecture où un répertoire de formes se superposent, de grandes bandes transparentes suspendues deviennent une cour intérieure au centre de la dépendance de la maison. Celle qui dit "J’ai toujours pensé que les maisons ressemblaient aux habitants" a croqué des fragments de bâtiments en Europe et en Amérique pour en faire un jeu formel où les superpositions font presque un effet holographique. Avec Habitatio, c’est l’espace même de la dépendance de la Maison Hamel-Bruneau qu’on nous invite à voir.
Jusqu’au 9 novembre
À la Maison Hamel-Bruneau
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Les bronzes de Gérard Bélanger
L’homme a une certaine réputation et beaucoup de métier. Il est l’un des fondateurs de la fonderie d’Inverness ouverte depuis 1987, un atelier dont la réputation dépasse nos frontières. Il a réalisé plusieurs oeuvres d’intégration à l’architecture, notamment une porte de bronze à la place D’Youville à Québec. Gérard Bélanger a plus de 30 ans de métier derrière lui. Chez Estampe Plus, qui présente une exposition solo des oeuvres du sculpteur, on peut voir une vingtaine de bronzes, quelques esquisses préparatoires et quelques tableaux qui n’arrivent toutefois pas à la cheville de ces bronzes. Mais enfin. Par delà les personnages schématisés et les figures anonymes aux bassins et jambes immenses – qui sont devenus presque une signature -, on reconnaît à fréquenter ces pièces qu’il y a là un travail d’espace et d’équilibre étonnant où les formes défient la gravité. Certaines sculptures sont très réussies, comme Extase, une figure féminine niant toute pesanteur. Mais encore, les sculptures de Gérard Bélanger nous font apprécier le fascinant travail du bronze. Rare. Jusqu’au 23 octobre.