Festival international du nouveau cinéma et des nouveaux médias : Têtes chercheuses
Où en sont les arts interactifs, les arts médiatiques et autres nouvelles formes artistiques liées aux nouvelles technologies? La 32e édition du Festival international du nouveau cinéma et des nouveaux médias réserve une sélection très riche à ceux qu’intéressent les dernières recherches en arts visuels.
Pour les mordus des arts visuels, que faut-il voir dans ce FCMM? Bien sûr, il ne faut pas rater le film Cremaster III, de l’artiste américain Matthew Barney. Après celui de bien d’autres villes (New York, Paris, Cologne), le public montréalais aura enfin l’occasion de juger de son travail lyrique. Voici l’un des cinq films du cycle commencé en 1994, le titre énigmatique de Cremaster référant au muscle qui contrôle la montée et la descente des testicules lorsqu’il fait froid ou lorsque les hommes sont soumis à certaines émotions, dont la peur… Pour les supporters de l’art contemporain!
Dans la section "Courts métrages", signalons la présence de plusieurs artistes contemporains d’importance: la vidéaste Sylvie Laliberté avec Paris chouchou; Julie-C. Fortier, membre du collectif Perte de signal, avec Julie in the Boxes Series; Donigan Cumming, connu pour Nettie, son vidéo d’une vieille femme mourante, avec deux oeuvres, Locke’s Way et Voice: Off. J’ai aussi entendu beaucoup de bien (les rumeurs vont vite) de L’Axe du mal de Pascal Lièvre, qui met en scène les paroles d’un discours de George W. Bush sur de la musique de Jermaine Jackson et Pia Zadora! Et comme si cela n’était pas suffisant, la section "Nouveaux médias" offre une programmation expérimentale particulièrement touffue.
Pour une deuxième année, c’est Danièle Racine qui est en charge des nouveaux médias, elle qui baigne dans cet univers depuis longtemps (organisatrice de plusieurs événements multimédias dont À mille lieux en 92, expo d’installations vidéo à laquelle participaient François Girard, Michel Lemieux, Luc Bourdon…). Après des années passées à la Galerie La Centrale et à la SAT (Société des arts technologiques), elle fait partie de l’équipe du FCMM depuis trois ans. Cette année, elle a effectué une sélection "d’oeuvres qui peuvent intéresser le grand public mais qui font aussi preuve d’une recherche technologique et esthétique". Cinq grandes sous-sections s’articulent autour d’un thème central: "l’expérimentation narrative et interactive". S’y effectuera une réflexion sur "ce qu’apportent les nouveaux médias: l’interactivité avec le spectateur-utilisateur-navigateur dans son rapport avec la notion d’auteur". Une belle occasion de voir comment la narration non linéaire continue d’être dominante en art actuel. Voici quelques suggestions d’oeuvres que je vais surveiller avec grande attention et qui vous permettront de vous y retrouver dans la programmation gargantuesque de cette section "Nouveaux médias".
Pistes à suivre
Commençons par une première belle surprise: le volet art public interactif. C’est certainement l’une des formes d’art les plus méconnues, et Racine (soutenue ici par le Conseil des arts et des lettres du Québec) a eu une belle idée en proposant pareille activité. Il faudra surveiller les résultats des entreprises artistiques proposées. Parmi les artistes à examiner, signalons la présence de la Française Cécile Babiole qui installera dans les vitrines de la SAT, boulevard Saint-Laurent, une pièce intitulée Circulez y’a rien à voir, qui réagira aux passants. Toujours à la SAT, tout au long du Festival, il faudra aller écouter l’intrigante Doom Machine… À partir d’un sondage réalisé sur Internet (//web.media.mit.edu/~saoirse/doom.html), Saoirse Higgins fait émettre par un mégaphone de l’information quant à la perception collective de l’état de notre planète et de notre sécurité sur celle-ci. À une époque où les médias et les gouvernements ne font que nous casser les oreilles avec la prétendue violence du monde moderne, il sera intéressant de voir si le public répond à cette tendance paranoïaque…
Ce volet "Art public" donnera lieu à une journée de réflexion sur le sujet (le 13 octobre). Le célèbre artiste mexico-canadien Rafael Lozano-Hemmer, connu pour ses interventions d’architectures relationnelles, sera présent (malheureusement pas par une intervention artistique) et donnera une conférence, laquelle sera suivie d’une table ronde composée de tous les artistes ayant participé à l’événement.
Dans le cadre du volet "Cinéma interactif", notons que l’artiste numérique Alexandre Burton, membre du groupe de recherche Artificiel (voir le site www.artificiel.org), réalisera une oeuvre monumentale. Dans Le Culte du calcul, Burton accomplira un calcul d’images qui durera huit jours et composera la matière du film lui-même. L’artiste américain Toni Dove nous permettra quant à lui d’entrer dans la vie de Sally Rand, danseuse des années 30, grâce à un DVD interactif.
Au chapitre des performances, une présence montréalaise très forte est à signaler: Marie-Christiane Mathieu, qui travaillera durant trois jours sur le Web avec toute une communauté d’artistes à travers l’Amérique du Nord et du Sud. Elle effectuera un mixage en direct, le 12 octobre à partir de 20 h (à la SAT), de toutes les interventions visuelles et sonores réalisées durant ce temps. La veille, Sandro Forte aura réalisé une soirée hommage aux westerns spaghetti. Et le 15 octobre, Jean-Pierre Aubé présentera VLF.stéréo, une aventure sonore basée sur les changements électromagnétiques de la Terre…
Pour compléter ce panorama des arts actuels, le spectateur pourra, à partir du site du Festival (www.fcmm.com), avoir accès à une galerie Internet. Il y trouvera des interventions de Sara Morley, Eva Quintas, Guy Asselin, Florian Thalhofer, Mahmoud Hamdy…
Comme si la programmation n’était pas assez imposante, une série de projets spéciaux sont aussi à l’affiche. Parmi ceux-ci, notons la soirée-performance Mass/Volume réalisée par The User, à partir de 20 h le 13 octobre, juste après le lancement de leur CD Abandon. Signalons aussi qu’aura lieu, le vendredi 17 octobre à partir de 21 h, la présentation de Péchés capitaux, qui mettra en scène sept équipes de vidéo-jockeys traitant des sept péchés que sont l’avarice, la colère, l’orgueil, la gourmandise, l’envie, la luxure et la paresse.
Devant pareille programmation, difficile de ne pas succomber au quatrième de ces péchés…