Vénus et Caïn. Figures de la préhistoire, 1830-1930 : La guerre du feu
Découverte pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la préhistoire a donné lieu à de multiples représentations. Peintures et sculptures illustrant les visions des artistes d’alors et pièces archéologiques sont réunies au Musée national des beaux-arts du Québec, dont un chef-d’oeuvre de l’art préhistorique: la Vénus à la corne de Laussel.
L’art de la préhistoire est absolument fascinant. Datant de plusieurs dizaines de milliers d’années, il nous ramène aux premières créations humaines. C’est l’effet que produit la Vénus de Laussel, une figure féminine provenant du Musée d’Aquitaine de Bordeaux, berceau de la science préhistorique. La Vénus, datant d’environ 25 000 av. J.-C., est un bas-relief pariétal sculpté dans une pierre calcaire. Depuis 1911, elle a été retirée de son site originel – une pratique aujourd’hui abandonnée, mais qui nous donne tout de même la chance de la voir à Québec! Elle est aujourd’hui conservée au Musée d’Aquitaine, d’où vient cette ambitieuse exposition. La Vénus tenant une corne de bison est vraiment "émouvante", comme le souligne fort à propos Lyne Ouellet, directrice des expositions. Son âge respectable en fait une digne représentante du paléolithique supérieur. Il est rare de pouvoir apprécier de pareilles pièces de ce côté de l’Atlantique! Cette Vénus aux caractères sexuels accentués et à la tête schématisée, sur laquelle il reste encore des traces d’ocre rouge, on la retrouve dans tous les bouquins traitant de l’art préhistorique et des grands chefs-d’oeuvre… Voilà au moins deux ou trois bonnes raisons pour aller la voir!
Découverte dans la seconde moitié du XIXe siècle, la nouvelle science de la préhistoire allait bouleverser les conceptions du monde d’alors, remettant en cause l’origine de l’homme et faisant remonter les premiers humains bien au-delà des récits bibliques. "Une nouvelle Genèse se constitue, écrit l’un des commissaires, l’historien de l’art Philippe Dagen. Elle n’a plus Adam et Ève pour couple premier, mais celui que forment Caïn et Vénus, le premier meurtrier et la première amoureuse." Produit d’un croisement disciplinaire entre l’histoire de l’art et la préhistoire, l’exposition met en parallèle des artefacts préhistoriques et les représentations qu’en ont faites les artistes. Accompagnant les étalages de pointes de flèche, de silex et d’autres objets relatifs à la préhistoire et à sa découverte, l’exposition regroupe des oeuvres réalisées entre 1830 et 1930 illustrant la famille à l’âge de pierre, des retours de chasse, un combat avec un ours ou le premier artiste reproduisant un mammouth…
Alors qu’au milieu du XIXe siècle, les artistes d’avant-garde délaissaient la peinture académique, ceux encore attachés à la peinture conventionnelle trouvaient dans l’illustration de la vie préhistorique une matière pour pallier la "crise du sujet" et la déroute de l’Académie, produisant ainsi un genre mineur, soit, mais oh combien instructif de leur conception du monde. L’historien de l’art Philippe Dagen écrit là-dessus: "Sur l’écran vierge de la préhistoire, auteurs et artistes projettent leurs conceptions: faiblesse et infériorité du sexe féminin, organisation familiale stricte sous l’autorité du père nourricier et protecteur." Un art ancré dans la tradition, davantage soucieux de représenter des nus correspondant aux canons académiques que de se rapprocher de la réalité archéologique… Des oeuvres qui font souvent sourire, qui suscitent parfois, comme l’écrivait Baudelaire, une "curiosité priapique", tel le "fameux" bronze d’Emmanuel Frémiet, Gorille enlevant une négresse. Des artistes nommés Mascré, Rutot, Jamin, Faivre, Richer, Roux inventeront une préhistoire selon leurs "certitudes et leurs fantasmes". Avec l’exposition Vénus et Caïn, on assiste non pas à une révision historique postmoderne qui voudrait réhabiliter des oeuvres et des artistes oubliés, mais à une étude critique et sans concession qui interpelle, en définitive, nos propres conceptions de la préhistoire. À lire: l’excellent catalogue accompagnant l’exposition publié par le Musée d’Aquitaine.
Jusqu’au 4 janvier 2004
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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Bloc-notes
Objets de passage
Afin de souligner son 15e anniversaire, le Musée de la civilisation a invité un vingtaine de jeunes artistes à produire un objet où s’inscrit "un passage ou une expérience marquante de leur vie." Chacun y va de son récit personnel, accompagné de musique et d’un objet. Nos préférés? L’oeuvre primée de joaillerie d’Ariane Marois (École de joaillerie de Québec), notamment, ainsi que Fluidité, une sculpture de Melvyn Florez (Maison des métiers d’art de Québec) qui a aussi reçu une mention. À voir, un vidéo de confidences de gens (connus et moins connus) se remémorant des événements qui ont marqué leur vie. Sympathique. Jusqu’au 17 octobre 2004.
Vernissages
Étirer le temps (avant que ça saute)
À ne pas manquer, l’inauguration des oeuvres récentes de Martin Bureau à l’Oil de poisson, le jeudi 16 octobre à 20 h et, dans la petite galerie, celles de Nathalie Daoust. Même journée, même heure: la Chambre blanche invite le public à rencontrer l’artiste russe Olga Kisseleva en résidence à Québec jusqu’au 16 novembre.