Wang Qingsong : Orient express
L’art et les artistes doivent-ils participer au système capitaliste en essayant d’en profiter au maximum ou peuvent-ils encore se présenter en tant que force contestataire? Une expo de l’artiste chinois contemporain WANG QINGSONG ne manque pas de mordant sur le sujet.
"Il est bien connu que les McDonald’s et Pizza Hut – de simples chaînes de restauration rapide en Europe et en Amérique, comparables aux restaurants de nouilles et aux Baozi en Chine – sont devenus des lieux de haute cuisine lorsqu’ils ont fait leur apparition en Chine. Ils sont des lieux de rendez-vous aussi hot qu’un hôtel cinq étoiles, les gens y font des fêtes, y invitent des amis, y célèbrent des anniversaires et y rencontrent des amoureux. En apparence, ce phénomène représente un idéal de la vie matérialiste euro-américaine. Mais à l’ère de la mondialisation, cet idéal ne représente-t-il pas une forme de culte?" C’est l’artiste Wang Qingsong qui parle ainsi, interpellé par la montée surprenante du capitalisme dans cet ancien pays communiste, ce marché potentiel de 1,3 milliard d’individus convoité par nos compagnies occidentales en mal de clients à satisfaire.
L’oeuvre de l’artiste chinois, que les amateurs peuvent voir ces jours-ci au Centre Saidye Bronfman, effectue donc une critique du capitalisme. Encore?!? Nous n’en avons pas fini de cette critique-là? Le communisme n’est-il pas tombé partout et tout n’est-il pas à vendre, peut-être même bientôt l’eau qui sort de nos robinets? Pour paraphraser un slogan qu’une revue d’art (Esse) avait, il y a quelques années, fait imprimer sur des cartes postales, respirons donc à pleins poumons, emmagasinons, si on le peut, de l’air, avant que ce dernier ne soit aussi à vendre… Alors, à quoi bon une critique du système? Peine perdue? Parole prêchée dans le désert?
Wang Qingsong, né en 1966, a opté pour la satire et l’ironie comme formes de résistance au système. C’est une attitude que nous connaissons bien en Occident, en particulier en art contemporain. Il est membre d’un mouvement artistique que le critique Li Xianting a surnommé "Art Gaudy", proche du kitsch occidental mais avec des liens avec la culture ancienne chinoise, et même l’art sous Mao. Un exemple de cela est cette photo intitulée Can I Cooperate With You?, qui reprend une vieille peinture de la dynastie Tang. Le personnage central a été remplacé par un homme blanc, symbole du capitalisme occidental, entouré d’une cour d’Asiatiques. Obèse et transporté dans un pousse-pousse, il ressemble à ces rois fainéants de l’histoire de France. Qingsong a opté pour une iconographie déjà connue, celle des empereurs ou du communisme, que les citoyens chinois connaissent déjà et dont ils ont appris à se méfier, pour effectuer une critique de ce monde nouveau et si beau promis aux nouveaux capitalistes orientaux. Qingsong croit-il pour autant qu’il pourra gagner cette nouvelle lutte politique et éveiller la conscience de ses contemporains?
"À présent, la réforme économique et la reconstruction moderne sont comme une guerre qui évolue rapidement et intensément. Dans cette guerre, nous devons faire face aux contradictions à la fois de la civilisation moderne chinoise traditionnelle et de la civilisation occidentale moderne. Dans mon art, je nomme ces contradictions une "autre bataille". Dans cette lutte pour "la défense de notre pays", bien qu’elle soit sans feu ni balles, je me représente en tant que commandant vaincu." Guerre insidieuse? Guerre sans héros? Pour compléter votre visite, le site de l’artiste: www.wangqingsong.com.
Jusqu’au 9 novembre
Au Centre des arts Saidye Bronfman
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