Les Écossais – des Montréalais pure laine : Étoffe écossaise
Arts visuels

Les Écossais – des Montréalais pure laine : Étoffe écossaise

Les Écossais auraient dominé pendant longtemps la vie économique et intellectuelle de Montréal? Plus qu’on ne pourrait le croire, en tout cas. Une expo au Musée McCord offre une relecture de l’impact de cette communauté dans notre histoire.

Voici une expo dont la thèse mérite toute notre attention. Non, il ne s’agit pas d’une simple expo expliquant en détail les moeurs des Écossais: scotch; cornemuse; kilt porté à cru sur la peau et protégé des coups de vent par une petite bourse décorée suspendue à la taille, le sporran; haggis, mets national composé d’un estomac de mouton farci d’un hachis d’abats et de farine d’avoine; clans regroupés autour d’un chef… Cette expo développe en sous-texte une thèse importante.

Dans Les Écossais – des Montréalais pure laine, Heather McNabb (chercheuse ayant écrit un mémoire de maîtrise sur la communauté écossaise de Montréal au 19e siècle) et Pierre Wilson (scénariste de l’exposition) ont souligné avec justesse l’apport des Écossais à la vie d’ici. Dès l’entrée de l’expo, une phrase donne le ton: "Même s’ils ne formaient qu’un quinzième de la population, ils [les Écossais] contrôlaient la traite des fourrures, les grandes banques et les maisons de crédit, les plus importantes institutions d’enseignement et, de façon majeure, le gouvernement." Hypothèse démontrée avec la présence de divers artefacts dont plusieurs portraits, comme celui de James McGill qui, en 1813, légua son domaine de 19 hectares et la somme de 10 000 livres sterling pour la création de l’université qui portera son nom. Et la liste est longue: Simon McTavish, que l’on disait au tout début du 19e siècle être l’homme le plus riche de Montréal et même du Canada; la famille Redpath, propriétaire d’une importante raffinerie de sucre; le célèbre photographe William Notman… Même John A. Macdonald, premier premier ministre du Canada, était né à Glasgow, en Écosse, où il passa les cinq premières années de sa vie. En somme, le pouvoir anglais fut souvent exercé par des Écossais!

Mais McNabb et Wilson ont fait plus. Le visiteur de cette expo pourra y comprendre comment la communauté écossaise avait certaines affinités et sympathies envers les colons français, ce qui pourrait bien jeter un éclairage nouveau sur notre histoire.

Les Écossais furent eux-mêmes dépossédés, au milieu du 18e siècle, de leur culture par les Anglais à la suite des révoltes des Highlands contre la monarchie de Hanovre (1745-46): occupation militaire de l’Écosse, dissolution de certains clans, interdiction de porter le tartan et les épées à double tranchant, et même de jouer du bagpipe… Dans une telle situation historique, il est peut-être plus facile de comprendre pourquoi, après la conquête de 1763, la culture francophone a pu être tolérée. Il faut aussi ajouter la forme d’amitié entre Écossais et Français, qui, pendant plusieurs siècles, étaient liés par un pacte (la Auld Alliance) de protection mutuelle. Francophiles, les Écossais? À voir comment plusieurs d’entre eux épousèrent des francophones (dont McGill), on peut le croire.

Passionnante hypothèse, qui aurait dû être soulignée encore davantage, mais dont les prémisses méritent certainement la visite au Musée McCord.

Jusqu’au 6 septembre 2004
Au Musée McCord