Nature morte de Eun-Young Son : L’ère du vide
La Galerie Trompe-l’oeil présente les peintures de EUN-YOUNG SON. Un oasis de paix dans le désert insipide et tapageur de la culture de masse.
Voilà une peinture qui élève l’esprit. Chaque toile est un répit pour le regard; un sursis dans la prolifération d’images. De l’art pour l’art dans son sens le plus incontestable. Enfin, une peinture qui invite à penser et à sentir d’autres dimensions de la réalité. Ce n’est pas rien. Artiste peu connue, née à Séoul en 1968, Eun-Young Son vit à Montréal depuis deux ans et participait au Symposium de nouvelle peinture de Baie-Saint-Paul en 1999. Chez Eun-Young Son, la peinture est une réponse toute personnelle à l’engouement actuel pour les technologies, sans nostalgie pour la tradition toutefois, ni propos réactionnaires. Peindre est aussi et surtout une pratique quotidienne et nécessaire pour Eun-Young Son: "Une attitude orientale avec des moyens occidentaux", explique la coordonnatrice de Trompe-l’oeil, Nancy St-Hilaire. Avec ces toiles montées sur cadre et l’utilisation de l’acrylique, on est loin du papier et de l’encre. L’approche de la peinture de Eun-Young Son fait une synthèse entre deux cultures, dont elle est en quelque sorte l’émissaire. Née en Corée du Sud, Eun-Young Son y a fait ses études universitaires avant de les poursuivre à la Sorbonne. On ne peut nier l’apport du savoir oriental qui s’épanouit dans son travail pictural. Qu’on envisage seulement l’art calligraphique chinois comme "préfigurant l’art abstrait occidental", tel que l’écrivait le spécialiste du langage pictural chinois, François Cheng.
Au centre des préoccupations de Eun-Young Son: le vide. "Non pas dans une prolifération ou une plongée d’un sentiment intérieur, écrit l’artiste, mais plutôt dans l’acte de peindre tout court. Peindre sans me demander quoi peindre mais en essayant de donner la vie à chaque acte pictural et chaque geste." Le vide, une notion centrale dans la peinture chinoise et dans l’art oriental, est aussi le sujet des recherches de l’artiste. Le vide envisagé comme le silence, l’espace non peint, voire le vide qui "relie le monde visible et invisible", pour citer encore le sémiologue François Cheng. On trouve chez Eun-Young Son un intérêt pour le geste et le trait aussi spontané que contrôlé. Des traits larges se déploient sur les surfaces. Sans retouche. Chaque oeuvre de Eun-Young Son est un monde en soi. Les 14 peintures monochromes où dominent les tons de vert, de rouge et de jaune sont autant de lieux, tout en nuances et en fluidité, traités en lavis, où se renouvelle ni plus ni moins le même procédé. Tous sont inspirés de végétaux, fleurs ou feuilles, mais ces références s’oublient, le résultat basculant dans de superbes abstractions. Une déroutante et provocante simplicité qui commande – on n’en doute pas une seconde – une grande maîtrise de la peinture. "Un travail intuitif, mais qui découle d’un long processus", comme l’explique encore Nancy St-Hilaire. Une peinture qui a du souffle. Un art régénérateur.
Jusqu’au 30 novembre
À la Galerie Trompe-l’oeil
Voir calendrier Arts visuels
Bloc-notes
Les yeux d’Argos chez Rouje
Denis Thibault – on en a parlé souvent – est technicien des laboratoires photographiques de Vu. Il en est aussi à sa seconde exposition solo pour laquelle il a réalisé de très grandes mosaïques reconstruisant des espaces architecturaux: coins de rue, églises, bâtiments peuplant sa ville imaginaire. Tel Argos qui voyait tout, ces assemblages de fragments qui ont chacun été l’objet d’autant de photographies nous montrent simultanément plusieurs points de vue. Le montage est impressionnant. À voir, jusqu’au 30 novembre.
No man’s land
Deux autres expositions sont présentées chez Rouje. Stéphanie Boucher et Hélène Savard exposent des séries d’autoportraits photographiques sages aux côtés des tableaux de Félix Leblanc. Après les photographies léchées, racoleuses et sexistes d’Andrew Law, vues en octobre dernier, voilà que Rouje récidive avec la peinture (?) "tapageuse" de Félix Leblanc, qui fait chez Rouje ses premières armes. Puisqu’il est courageux, soyons-le aussi! Les sujets pseudo-pornos (une galerie de pin-ups) sont présentés sous le couvert de prétentions humoristiques et surréalistes. On assiste à l’utilisation sans discernement du corps de la femme. Rien de bien nouveau jusqu’ici. L’auteur prétend même "questionner les rôles traditionnels offerts à la représentation féminine". Pas assez audacieux pour transcender quoi que se soit, pas assez kitsch pour mériter un second degré. Des chromos à saveur de Pop Art, qui ont au moins – soyons honnêtes! – le mérite de faire couler un peu d’encre. Jusqu’au 30 novembre.
Yannick Pouliot chez Engramme
Pouliot, c’est ce jeune artiste qui avait ébloui tout le monde avec son Courtisan vu notamment à la Manif d’art en juin dernier. Chez Engramme, Pouliot proposera une production d’estampes. L’inauguration a lieu le vendredi 14 novembre dès 17 h. Attendue.
Giorgia Volpe chez Vu
L’artiste nous avait enchantés à l’été 2002 avec son intervention à l’Îlot Fleurie. Elle revient chez Vu avec une exposition de photographies produites lors d’un séjour dans les laboratoires du centre d’artistes. L’inauguration a lieu le vendredi 14 novembre à 20 h.
Appel de dossiers
La Galerie Trompe-l’oeil invite les artistes à soumettre leurs dossiers en vue d’une sélection pour une exposition solo qui aura lieu du 23 mars au 13 avril prochains. Date limite: 1er décembre 2003.