Réal Calder : Toi, moi plus ça, égale Nous
Arts visuels

Réal Calder : Toi, moi plus ça, égale Nous

RÉAL CALDER possède l’art de marier savamment et poétiquement plusieurs antagonismes, tant propres au monde de l’art que de la vie.

Cadre du monde

, production récente de l’artiste, comporte 25 paysages à l’huile occupant entièrement l’espace de la Galerie Montcalm, contenant inévitablement celui qui y pénètre. Plongeant le spectateur dans son univers relevant souvent d’écrits d’existentialistes tels Maurice Blanchot et Antonin Artaud, l’artiste s’attarde ici au concept de "cadre du monde" de Martin Heidegger. Grosso modo, l’existence de chaque homme viendrait s’ajouter à celle du monde entier, de même que tout objet serait un ustensile pratique nécessitant le maniement de l’homme pour se nourrir, bâtir son existence, en même temps qu’ils en sont ses propres reflets.

Au premier regard, tout semble calme et bleu. Mais, les paysages se font vite fougueux, baroques, peints d’une touche émotive, gestuelle, texturée. Le ciel est parfois jaune ou orange, d’une beauté violente cohabitant avec des ombres. Une structure soulignée de peinture jaune, les fils à pêche traversant de part et d’autre un tableau, la façon de placer les objets amènent, contrairement à la touche fébrile, un formalisme. Les cadres comportent des points de fuites qui, métaphoriquement, sont ouverts à l’association alchimique des idées, propice à l’évolution. Un élément important de la pratique de Calder est la mise en rapport entre la représentation 2D et l’objet 3D. De ce rapport naît une remise en question de nos perceptions spatiale et conceptuelle du monde. Par exemples, dans Vue sur l’étang – l’attente, la perspective s’en trouve changée par une foules de chandeliers, ne flottant pas sur l’eau peinte, mais sur la surface de la toile, tout comme l’image d’un bol repose sur une véritable tablette…

Ce rapport nature/culture que peint l’artiste n’est pas romantique, mais vient plutôt d’un quotidien à la fois terre-à-terre et spirituel. Terre-à-terre comme dans la découpe des entrailles métalliques de la terre, question d’en fabriquer une paire de ciseaux, qui, à son tour, découpera. On y trouve une pelle mécanique, des fourchettes et du fil à pêche, sans oublier les pots à plantes pour régénérer une nature dénaturée. Et, comme pour marquer le sens de l’organisation utile à la survie, un seul élément, répétitif, sont regroupés par tableau, marquant sa fonction et sa symbolique. Mais, l’ensemble transpire de spiritualité, par la cloche, la crucifixion de Vue sur l’étang – l’usage, les chandeliers… Un des rapports intéressants est celui à la musique, comme dans Vue sur le ciel – à l’écoute du paysage avec ses clefs d’accordements installées à même le dessus du cadre et les cordes donnant au tableau les allures d’un instrument de musique. Mais, quel que soit l’élément, chacun n’est-il pas une note comprise dans une composition, évoquant cette capacité de jouer à l’unisson avec la nature, ou alors, de devoir faire face, éventuellement, à sa musique?

Ainsi, chaque élément s’additionne à l’autre, pour faire sens dans un non-dit transparaissant d’entre l’ensemble qui vous sera étrangement reconnaissable, qui que vous soyez.

Jusqu’au 14 décembre
À la Galerie Montcalm