Aux couleurs du jour, de Rita Letendre : Le rayon vert
La rétrospective de RITA LETENDRE au Musée regroupe plus d’une vingtaine d’oeuvres réalisées entre 1954 et 2000, dont quelques superbes peintures hard edge des années 1960. Célébration de la vie.
Ils sont impressionnants, les tableaux des années 60 et 70 de Rita Letendre. Absolument en coïncidence avec l’époque. Des lignes droites et des formes triangulaires (faites au ruban cache et au pinceau) occupent de très grandes surfaces (souvent de plusieurs mètres), comme dans Sun Song, de 1969, ce premier tableau qu’elle a fait à son retour d’Israël à la fin des années 1960, où on assiste à l’apparition du motif de la flèche. Des formes qui seront l’objet de 10 ans d’exploration donnant des oeuvres sérielles et répétitives, qui sont devenues sa "signature".
Des détails biographiques? Née à Drummondville dans une famille modeste "où rien ne la prédisposait à l’art", Letendre, d’ascendance abénaquise, fera un court séjour à l’École des beaux-arts de Montréal et fréquentera le milieu des automatistes. Compagne d’Ulysse Comtois (1931-1999) pendant une quinzaine d’années, elle voyagera longtemps en Europe où elle peint et expose. Rita Letendre s’installe ensuite à Los Angeles avec le sculpteur d’origine russe Kosso Eloul (1920-1995). Vivant entre New York et Toronto, le couple se fixera en 1975 dans la capitale ontarienne, où Letendre habite encore aujourd’hui et où elle a d’ailleurs répondu à plusieurs commandes publiques. Enfin, l’exilée revient au bercail au printemps prochain dans sa nouvelle maison-atelier récemment acquise à Longueuil… En somme, la vie de cette femme est aussi impressionnante que sa peinture! On est séduit par l’ampleur de certains tableaux des années 70 mêlant aérographe (air brush) et hard edge; le flou et la ligne pure… Et quelles abstractions! Même le retour à l’huile et à une gestuelle plus spontanée, dans les années 90, permet d’apprécier l’oeuvre de Rita Letendre dans son ensemble.
"Je trouve la vie tellement belle! Et je me sens tellement heureuse d’être peintre." L’artiste a 75 ans aujourd’hui. Celle qui voulait à tout prix, déjà à 20 ans, devenir "un grand peintre" a toujours ce même désir: "J’aime cette parole d’Hokusaï qui disait: "À 70 ans, je commence à apprendre."" Dans cette exposition, la commissaire Anne-Marie Ninacs, conservatrice de l’art actuel au Musée, a privilégié la couleur, regroupant les oeuvres par affinités visuelles "pour les faire voir comme des objets". Les tableaux exposés proviennent, pour la plupart, de la promesse de don que l’artiste a faite à l’institution. En léguant au Musée une centaine de ses oeuvres, elle permet à l’institution nationale de présenter une exposition d’envergure sur son travail. Échange de bons procédés? Reconnaissance surtout pour cette artiste qui a marqué l’art canadien des années 60 et 70 et dont la pensée de Borduas traverse l’oeuvre, où on retrouve l’importance de la connaissance de soi – Rita Letendre avait 20 ans en 1948! – de même que la pensée zen où, "pour tracer une ligne, vous devez être cette ligne", comme l’explique l’artiste. Letendre incarne la liberté, la concentration et l’attention, doublées d’une grande indépendance à laquelle la commissaire Anne-Marie Ninacs n’a pas été insensible: "Elle nous permet du coup, pour peu que nous soyons déjà sincèrement à l’écoute de ce savoir en nous, de nous sentir pleinement vivants et de concevoir que cela peut être parfaitement suffisant." L’époque, Rita Letendre et sa vision de la création, c’est la vie rêvée d’artiste, dont sa peinture demeure l’ultime trace.
Jusqu’au 4 avril 2004
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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Bloc-notes
Elmyna Bouchard récompensée
C’est la graveure Elmyna Bouchard qui est l’heureuse lauréate du Prix de la Fondation Monique et Robert Parizeau (comprenant une généreuse bourse). On connaît bien à Québec le travail d’estampes de cette artiste pour l’avoir vu à quelques reprises chez Lacerte. Originaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Elmyna Bouchard a une production soutenue depuis 10 ans. Ce prix, attribué cette fois à une artiste de moins de 40 ans, est remis pour la deuxième année par la Fondation. Par la même occasion, le Musée national des beaux-arts du Québec lançait une publication sur le travail de Ludmila Armata, première lauréate de ce prix.
Quatre poids, quatre mesures
Quatre sculpteurs sont réunis à la Salle Jean-Paul-Lemieux de la Bibliothèque Étienne-Parent de Beauport. Excellente occasion pour découvrir ce bel espace. Pour voir le travail de Don Darby qui présente quelques pièces anciennes, dont un cheval de bronze et quelques lithographies remarquables. Pour voir aussi les oeuvres d’Aline Martineau et de Jérôme-René Morissette, qui fait ici office de commissaire, ainsi que celles de Jacques Samson, qui présente, outre quelques pièces connues, une sculpture de papier (radicalement low tech) qui reprend l’empilement, l’accumulation, un principe récurrent dans sa sculpture. Une expo collective qui a le mérite de nous faire accéder aux préoccupations de chacun des artistes. Jusqu’au 30 novembre.
Vernissage à la Chambre
Isabelle Bernier est invitée à la Chambre blanche pour le 25e anniversaire du centre d’artistes dont elle a été une des coordonnatrices dans les années 80. Valeurs et investissements, le titre de son exposition, augure quelques accents… activistes. Le vendredi 21 novembre à 20 h.