Mijares et Domagala : Racine cubique
Le Rubik’s cube géant construit par les deux artistes marseillais MIJARES et DOMAGALA à l’Oil de poisson se donne des airs de sculpture. Métaphore du travail de l’artiste; plaisir de l’objet et de sa réplique.
Il est étonnamment semblable à son modèle, l’énorme Rubik’s cube qu’ont fabriqué Mijares et Domagala. Unique objet trônant dans la galerie, le superbe volume occupe magistralement l’espace d’exposition. En résidence dans les ateliers de l’Oil de poisson depuis deux mois grâce au soutien du Conseil Régional des Bouches du Rhônes et du Consulat Général de France à Québec, Mijares et Domagala ont construit et peaufiné le cube, trouvant là l’exacte couleur, ici les proportions parfaites. Un travail d’élaboration et de construction considérable dont la destinée demeure éphémère puisque la sculpture sera vraisemblablement détruite à la fin de l’exposition. Au centre du propos: une référence commune et partagée, le Rubik’s cube. Qui ne connaît pas ce jeu inventé en 1978 par le mathématicien hongrois Eznö Rubik? Évocation de l’enfance donc, qui n’est pas sans rappeler qu’il y avait ceux qui réussissaient, certains qui trichaient et d’autres qui l’abandonnaient rapidement, passant à autre chose… Quant à la réplique géante construite par les deux artistes, elle est bel et bien restée non résolue. Bien qu’il soit toujours possible d’essayer de la terminer mentalement! Cette sculpture ludique et multicolore, c’est ainsi "un hommage à tous ceux qui n’ont pas réussi à faire le cube", affirment les deux artistes. L’effet plastique produit par l’immense cube est absolument saisissant. Comme le précise Alain Domagala, "l’objet lui-même est déjà séduisant. C’est une forme parfaite". Imaginez son sosie monumental!
Référence à l’histoire de l’art? À la sculpture moderne? À la peinture hard edge? On voudrait bien l’insérer dans quelques cases, mais le cube reste là, impassible, impénétrable. Les deux artistes, quant à eux, se méfient de toutes références historiques – dans la mesure où on peut y échapper. "Ce qui nous intéresse, c’est de faire des oeuvres qui ont plein de pistes de lecture, de combinaisons. On ne veut pas imposer de lecture." Une attitude partagée par de nombreux artistes contemporains; un travail dont les visées sont tout autres, renvoyant à la réflexion sur le travail artistique, aux références scientifiques comme au processus de création. S’ajoute à cela le titre du projet, Je ne me souviens pas exactement, parce que, comme l’explique Pascale Mijares, "la mémoire fonctionne grâce à l’oubli". Commentaire inspiré de la devise québécoise qui suscite souvent une certaine curiosité chez les étrangers. Enfin, qu’y a-t-il par-delà l’effet de surprise que crée ce joyeux et impressionnant double du Rubik’s cube? Peut-être qu’il n’y a rien. Un grand rien. Un vide existentiel aussi vaste que l’espace occupé par la sculpture. Peut-être aussi que cette matérialité affichée avec une audace et une réjouissante irrévérence propres aux héritiers du pop art et du ready-made vient confronter notre propre finitude et rappelle que l’activité ludique, la connaissance et l’art peuvent être des activités salvatrices.
Jusqu’au 21 décembre
À l’Oil de poisson
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Valeurs et investissements
L’artiste originaire de Québec Isabelle Bernier a réalisé un projet sur le thème du don à la Chambre blanche dans le cadre des activités du 25e anniversaire du centre d’artistes. Un labyrinthe de textes écrits sur de grands plastiques suspendus nous amène vers deux lieux semblables à des espaces privés: un petit salon et un bureau. Un mélange équivoque de privé et de public, de commentaires sur l’art et sur la politique, sur l’engagement et sur la condition de l’artiste. Fiction dans la fiction, la correspondance imaginaire que l’on peut lire sur les toiles transparentes est celle de quatre artistes discutant avec la commissaire fictive de leurs installations tout aussi fictives. Au terme du parcours, on pense retrouver Isabelle Bernier dans un récit au "je " (un très bon texte d’ailleurs) qu’on peut lire sur son site Internet; mais non, elle nous a eus! C’est encore de la fiction. Tout ce dispositif et ses multiples couches de fiction ne se donnent pas d’emblée. Les références sont tellement multiples qu’on s’y perd un peu. Mais, on ne déteste pas ce parcours dédaléen où l’écriture manuscrite, tantôt en français, en hébreux ou en arabe, possède des qualités plastiques intrinsèques. Jusqu’au 21 décembre.
Vernissage chez Rouje
Inauguration, ce jeudi 4 décembre dès 17 h, de deux nouvelles expositions très attendues chez Rouje. Celle des sculptures monumentales d’Édith Croft, une série de personnages ailés de bois et de métal, ainsi qu’une installation de Mélanie Bédard. Jusqu’au 22 décembre.