Chantal Brulotte : Femme de pierre
Arts visuels

Chantal Brulotte : Femme de pierre

C’est du haut de ses cinq pieds que l’artiste CHANTAL BRULOTTE, qui expose jusqu’au 21 décembre à l’Atelier Silex, a taillé un calcaire de quatre tonnes. Une minutieuse opération qui n’est pas sans suggérer que ce petit brin de femme est animé par une mystérieuse agressivité…

Solide, lourd, imposant, le roc est un matériau facilement attribué à l’homme. Chantal Brulotte, sculpteure de Victoriaville aux courbes délicates, revisite cependant ce stéréotype. Depuis quelques années, elle se réapproprie sa part volée de masculinité – durant toute son enfance, elle a été éloignée des jeux pour garçons – et saute à pieds joints dans la discipline peu conventionnelle qu’est celle de tailleur de pierre.

La dame grisonnante, dont le rire coule comme une source, raconte qu’elle était impatiente de s’exécuter au Québec, sur une pierre dont la masse dépasserait celle d’un "caillou". Car elle avait seulement eu ce plaisir lors de symposiums se déroulant à l’extérieur du pays (Mexique, Bulgarie). La subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec est donc tombée à pic. Avec l’argent reçu, l’artiste s’est empressée d’acquérir, à Saint-Marc-des-Carrières, un calcaire de 45 po x 45 po x 60 po. Une pièce de quatre tonnes transportée, au terme de prouesses techniques, à l’Atelier Silex de Trois-Rivières. Chantal Brulotte admet que sans aide gouvernementale, elle aurait peut-être poussé la folie jusqu’à investir ses économies personnelles dans ce projet, tant il lui tenait à coeur. La vie lui aura fait un beau clin d’oeil…

La réalisation de son oeuvre a demandé un mois de travail. Du 2 au 30 novembre dernier, la passionnée a utilisé toutes les ressources du centre d’artistes de la rue Père-Frédéric pour donner forme à une étonnante coquille, dont la base est recouverte de fleurs de papier récupérées de son exposition Excès de légèreté. Lourdeur en opposition avec apesanteur. Malgré une série de surprises, dont l’impossibilité de creuser profondément la pierre, Chantal Brulotte a tout de même réussi à concevoir une architecture intime, son principal but visé. La bachelière en arts plastiques de l’UQTR et maître en arts visuels et médiatiques de l’UQAM cherche en effet à exprimer le sentiment de vulnérabilité à travers son installation. Il faut d’ailleurs une bonne dose de courage pour accepter de se mettre en boule dans la mince ouverture du calcaire!

La position foetale colle à chacune des pièces présentées à l’Atelier Silex. Le trou de la pierre, l’oeuvre maîtresse, rappelle cette notion, tout comme le cocon de pellicule cellophane suspendu à ses côtés. Un vidéo d’une dizaine de minutes montre le processus de création de cette carapace. L’artiste, patiente, sert alors de moule; sa fille l’enveloppe des pieds à la tête d’une couche de plastique, ne laissant qu’un simple espace pour respirer. "L’idée de la vulnérabilité, c’est de vouloir retourner à ses origines, à son cocon originel", d’expliquer la sculpteure.

Une des rares tailleuses de pierre de la province, Chantal Brulotte adore cet art risqué qui demande de s’impliquer à fond. Elle apprécie l’équilibre qu’il demande entre l’intellect et le défi physique. Mais cela ne donne pas plus de fil à retordre pour une femme? "En fait, ce n’est pas plus dur que de faire de la danse ou de s’entraîner huit heures par jour!" s’exclame-t-elle.

Jusqu’au 21 décembre
À l’Atelier Silex
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