TOP EXPOS 2003 : Émission de variété
L’année 2003 n’aurait pas été la même sans la seconde édition de la Manifd’art, l’audace et l’originalité de la performance, la voix des peintres. Sans parler de tous les autres.
"Prescription" de Folie/Culture, le 7 novembre à la Salle Multi
La performance est une des pratiques artistiques les plus dynamiques du milieu des arts visuels de Québec. Momentanée et éphémère, elle est assez rarement traitée dans ces pages, sauf dans le cas exceptionnel de festivals et autres rencontres. La plupart du temps, il faut avoir les nerfs solides et surtout, l’esprit ouvert! Outre la performance de Lise Labrie, qui a réussi à nous faire manger du phoque cru un vendredi soir de février, dans le cadre de sa résidence à la Chambre blanche, et celle de l’artiste bosniaque Vlasta Delimar, qui a abattu un poulet en juin dernier au Lieu (soyez rassuré, cela dans le plus grand respect de l’art culinaire), la soirée de performances organisée par Folie/Culture a été une des plus remarquables. Plus de 100 personnes ont visité cette "foire" de la performance où une dizaine d’artistes, dont Pierre Beaudoin, Karen Spencer, Steeve LeBrasseur, Hélène Matte, David Michaud, Christine St-Maur et Patrice Duchesne, ont occupé la Salle Multi du Complexe Méduse pendant deux heures. Lors de cet événement, organisé par l’artiste et commissaire Denis Simard, le public était invité à déambuler dans la grande salle digne d’un salon des métiers d’art, passant de kiosque en kiosque, découvrant ici Devora Neumak en pleine séance de massage, là Benoît Woo immobile au centre de son environnement iconoclaste, peuplé de pacotilles bouddhistes et d’objets fétichistes. Rythmait cette soirée, à coups de bruits de vaisselle fracassée, la proposition de l’artiste montréalaise Sylvie Cotton. Installée dans son kiosque de défoulement où étaient empilées des centaines d’assiettes, Sylvie Cotton invitait le public à lancer tasses et autres soucoupes, balayant humblement les dégâts entre chaque performance des spectateurs: une "prescription" aux effets instantanément libérateurs!
La Manif d’art 2. Bonheur et simulacres, en mai
Au cour de ce "palmarès" des arts visuels: la seconde édition de la Manif d’art de Québec. L’événement est incontournable, d’autant plus qu’il a rassemblé plusieurs artistes d’ici (ils se reconnaîtront) et de nombreux artistes étrangers. Dans un cas comme dans l’autre, leurs ouvres ont été appréciées avec tout le respect et l’attention que mérite toute production artistique. Non seulement cette nouvelle biennale d’art actuel est de plus en plus essentielle à la vie culturelle de Québec, mais elle témoigne de la vigueur du milieu des arts et des artistes qui le font. Au palmarès des palmarès, un de ceux qui feront l’événement pendant cette manif où les ouvres rivalisent de concepts et de surprises est sans doute Jean-Marc Mathieu-Lajoie qui, à l’Oil de poisson, en aura ravi plus d’un avec ses casse-tête à la fois candides et super ingénieux. On ne saurait oublier non plus les troublantes pièces de Gabriel Routhier et celles des artistes de la relève, de la production de Yannick Pouliot aux expériences de Cooke-Sasseville et des Fermières obsédées. De cette Manif, on retient également l’occupation d’un remarquable espace au centre-ville, l’accessibilité et la grande visibilité de l’événement; l’étendue des collaborations aussi, allant des centres d’artistes en passant par le Musée national des beaux-arts du Québec et la Bibliothèque Gabrielle-Roy. La troisième édition, toujours sous la direction de Claude Bélanger, est prévue pour le printemps 2005.
"Étirer le temps (avant que ça saute)" de Martin Bureau, en octobre à L’Oeil de poisson
Cette proposition du peintre et vidéaste Martin Bureau, alliant peinture, vidéo et bande sonore, est le genre de projet qui attire un large public, souvent peu enclin à fréquenter les arts visuels. La participation du musicien Olivier Langevin et celle du vidéaste Jean-François Dugas y sont pour quelque chose. Si le dispositif – utiliser des tableaux comme écran – était aussi prévisible que périlleux, Bureau est quand même parvenu à faire quelque chose de bien. Installés à l’Oil de poisson, les deux grands tableaux recevaient d’incessantes images vidéo. Bureau n’a pas hésité à en mettre plein la vue pour dénoncer la guerre et la collusion entre pouvoirs économique et politique. Un missile explosant en plein vol nous rappelle que l’année 2003, c’est aussi celle du début de l’occupation en Irak. Si son discours est direct, voire parfois primaire, Bureau a le mérite de faire une peinture qui n’est ni hermétique, ni ennuyante. Ce projet d’installation a été une expérience hautement exploratoire pour le peintre, qu’on ne s’étonnera pas de voir heureux de retourner, après cette production, à la "peinture-peinture", se retrouvant à nouveau dans son atelier, devant la toile, un simple pinceau entre les mains.