Je vivrai, je m’appelle Michelle, de Geneviève Crépeau : A beau mentir qui vient de Rouyn
Le livre d’artiste de GENEVIÈVE CRÉPEAU est plus que le témoin de ses performances. Textes, photographies et expériences sonores relatent la vie d’une Michelle fictive. Commentaires sur les arts plastiques.
Geneviève Crépeau photographie, bricole, joue la comédie, récite des poèmes et chante (duo Geneviève et Mathieu). Son travail est celui d’une "starlette jeune première" et, qui plus est, s’avère aussi celui d’une artiste multidisciplinaire. La force de cette artiste consiste à rester toujours aux limites du champ des arts plastiques, envisagé comme un des lieux possibles d’expression souveraine et radicale. Art d’élection entre tous les arts, les arts plastiques sont un terrain propice aux explorations en marge des normes: "En revenant, un monsieur m’a demandé pourquoi j’étais si insignifiante. Je lui ai répondu que j’étais pour la démocratie des formes", peut-on lire dans Je vivrai, je m’appelle Michelle. Lancé récemment chez Rouje, après des lancements doublés de performances, ainsi qu’à l’Écart, au Lobe et puis chez Skol, le livre de l’artiste de Rouyn-Noranda relate les différentes actions réalisées pendant la dernière année. Photographies, textes, ainsi qu’un disque – qui nous est toutefois apparu moins essentiel – nous introduisent à l’univers fictif de la multi-artiste. En effet, pendant un an, Geneviève Crépeau est devenue Michelle, son double dont la voix est à la fois poétique et rebelle: "Se taire est très difficile. Surtout quand on a une opinion sur tout." Ce livre est un "petit musée des moments Michelle" où s’activent ses amis, Bernard, Marcel et Alida: "Le jour qu’Alida et moi, moi et ma jumelle, on a plongé, on s’est tellement baignées qu’on a oublié de respirer."
Chaque page recèle des petits bijoux photographiques, quand ils ne sont pas littéraires: "Bernard et Marcel ont paressé pendant que je faisais la sieste. Un après-midi calme et sans remous. En soirée, le rhum a soûlé Bernard, il est devenu monsieur Bernard de rhum et il a passé son temps à étaler différentes informations sur différents sujets. On s’est couchés la tête pleine, ben pleine de cochonneries et on a tous fait un gros cauchemar." On voudrait transcrire le livre au complet, tellement la voix y est singulière, proche cependant de celle de Réjean Ducharme, dont certains personnages (on pense à L’Hiver de force) semblent revivre dans le monde de Geneviève Crépeau: "Aux voix des amériques, Marcel n’a pas arrêté de crier la même maudite chanson. Il est conséquent d’établir la liberté, même si ça nous tente pas! Je me réclame et fais appel à cette utopie des arts plastiques. La raison est ma liberté… qu’il disait… Pauvre Marcel. Depuis quand les idées se suivent et se ressemblent, depuis quand on peut parler de liberté et se faire écouter sans avoir l’air démodé? – Change de discours mon Marcel, sinon je rentre chez nous." Au centre de son travail: les arts plastiques, qu’elle commente dès que l’occasion s’y prête. Geneviève Crépeau fait partie de la relève québécoise en arts visuels. Son travail a été présenté depuis 1997 dans plusieurs lieux à travers le Québec, et cela d’une façon soutenue, notamment à l’Écart, le centre d’artistes de Rouyn-Noranda, à la Galerie Clark et chez Vidéographe, à Montréal, à l’Espace virtuel de Chicoutimi, de même qu’au Musée d’art contemporain de Roskilde au Danemark. On peut se procurer son dernier opus chez les disquaires. Ce livre d’artiste nous semble être un des plus intéressants parus récemment. Heureuse de l’avoir en main…
Je vivrai, je m’appelle Michelle
de Geneviève Crépeau
2003, 115 p.
Bloc-notes
Les aquarelles de Fisher au Musée national des beaux-arts du Québec
C’est une importante acquisition pour l’institution de la Grande Allée. Les quatre aquarelles de Benjamin Fisher sont exposées depuis leur arrivée, il y a quelques jours, de Londres, où elles ont été acquises. On peut désormais les observer dans la salle "Québec, l’art d’une capitale coloniale". Trouvées, soigneusement emballées dans la cave du Collège Balliol de l’université d’Oxford, en Angleterre, elles ont conservé, au cours des siècles, leur coloris original. L’intérêt de ces trois vues de la ville de Québec et de celle de Montréal réside aussi dans leur rareté. Rares en effet sont les représentations du début du XVIIIe siècle.
Réalisés entre 1785 et 1796 par l’officier du Royal Engineers de l’armée britannique, ce sont de fascinants paysages topographiques devant lesquels un des plaisirs consiste à procéder à l’identification des profils et des bâtiments aujourd’hui disparus ou transfigurés par le développement urbain. Il s’agit de vues aux destinées militaires, des "sites stratégiques tels les postes de commandement, les routes, les fortifications et les paysages naturels". À voir pendant les prochaines semaines. L’entrée est gratuite.