En pensant à toi, de David Blatherwick : La fin des mondanités
DAVID BLATHERWICK occupe la salle 1 du Musée national des beaux-arts du Québec avec une installation radicalement sobre. Retour aux sources de la vidéo.
D’abord peintre, l’artiste montréalais David Blatherwick, né à Toronto en 1960, s’adonne aussi à l’art vidéo. Dans la salle 1 du Musée, les visages d’un homme et d’une femme aux sourires figés balayent l’espace d’exposition. Aux deux projections s’ajoute une bande sonore où on entend les murmures d’une foule, les cris des enfants dans une cour d’école, des pas dans la forêt. C’est littéralement une performance physique que Blatherwick a provoquée ici, filmant des gens en leur demandant de garder un sourire aussi longtemps que possible… L’artiste, en rupture avec toute forme de vanité, a choisi ses voisins plutôt que des comédiens professionnels, recherchant la simplicité et l’authenticité. Inutile de préciser que le temps altère considérablement les sourires a priori spontanés: "Il est tellement évident que le sourire persistant est stressant que le geste devient à la fois douloureux et drôlement absurde", explique l’artiste dans une entrevue avec la commissaire de l’exposition, Regine Basha. Cette installation parle de la vie en société et de ses conventions; du milieu de l’art et de ses rapports mondains.
David Blatherwick a notamment participé à Peinture peinture en 1998, à l’exposition Métamorphoses et Clonage en 2001 au Musée d’art contemporain de Montréal. Il était aussi de la dernière édition de la Biennale de Montréal. L’installation qu’il présente au Musée national des beaux-arts du Québec, après celles de Diane Landry et de Massimo Guerrera, ne se donne pas d’emblée. Comme l’écrit encore l’artiste: "L’ouvre est tellement dépouillée dans presque tous les sens qu’elle peut sembler primitive: elle est en noir et blanc, le son est stéréo et il y a un mécanisme de carrousel qui ne fait que ce qu’on attend de lui." Sa sobriété frôle une forme d’austérité, en effet, et son apparente simplicité lui donne des airs de déjà-vu, qu’il faut admettre pour en apprécier toute la valeur. Cette installation a le mérite extraordinaire de dire beaucoup avec peu; de traiter de notre propre humanité dans la délibérée banalité de la représentation et l’économie du dispositif.
Jusqu’au 28 mars
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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Bloc-notes
Projections, d’André A. Michaud et Angela Grauerholz
Quelques mots sur ce quatrième opus de la collection L’image amie, publié par les éditions J’ai vu. Les textes de l’écrivaine Andrée A. Michaud (Le Ravissement, Prix du Gouverneur général en 2001) donnent une seconde vie aux magnifiques photographies d’Angela Grauerholz, artiste montréalaise d’origine allemande (elle participait notamment à la Documenta IX de Kassel). Un salon vide, une table délaissée par ses convives et les voies ferrées désertées d’Angela Grauerholz sont habités par les multiples personnages que Michaud met en scène dans des textes inspirés de son univers cinématographique. Un autre ouvrage témoignant de la pertinence de ces rencontres entre écrivains et photographes.
Erratum
L’expression bizarre et inadéquate multi-artiste s’est malencontreusement retrouvée dans notre texte sur le livre d’artiste de Geneviève Crépeau Je vivrai, je m’appelle Michelle, publié récemment. Précisons qu’il aurait été davantage approprié – et plus élégant – de décrire Crépeau comme une artiste multidisciplinaire. Voilà qui est fait!