Florent Veilleux / Michel Boulanger : Apporte-nous des bébelles
Comment résister à la culture populaire qui, depuis notre enfance, envahit nos imaginaires collectifs? Deux artistes nous proposent de l’avaler et de la digérer.
C’est la caverne d’Ali Baba. L’artiste Florent Veilleux a transformé le bâtiment de la Station C, rue Sainte-Catherine, en une étrange grotte aux merveilles, y installant une série de machines animées et parfois parlantes qui font penser à la fois au robot de la série télévisée Perdus dans l’espace et aux êtres hybrides mi-homme, mi-animal que les extraterrestres s’amusent à composer dans le film Mars Attacks!. Veilleux utilise, en les accouplant d’une étrange manière, divers jouets pour enfants, de grandes et petites figurines, telle cette princesse Léa greffée à des jambes de Godzilla et portant un costume de père Noël… Ces jouets deviennent des automates contemporains, une sorte de cadavre exquis sculptural postmoderne totalement déconstruit!
Cela pourrait sonner complètement branché, mais les œuvres rassemblées sous le titre Les Solutions imaginaires – Pataphysique appliquée ont un aspect très brut, peu sophistiqué et même un peu effrayant. Certains y ont vu un côté baroque (dans l’excès) ou romantique (dans l’innommable), mais c’est plutôt dans le bad art que Veilleux a des filiations. S’y exprime une critique sociale et politique, en particulier de la société de consommation. Cet aspect critique s’énonce déjà dans les titres, comme celui-ci: "Barbyeuse vs hockeyeur friqué. Match nul, complètement nul". La sculpture compare les héros de notre sport national à des poupées fascinées par l’argent… Des textes explicatifs parlent du "caca démocratique mondial". Une des machines parlantes déclame des phrases-punchs comme "au plus fort la poche"… Et on en redemande, même si les œuvres auraient mérité d’être mieux exposées.
Je ne vous ferai pas le coup de la découverte, du patenteux génial sorti de nulle part, car ce n’est pas vrai. Veilleux est déjà un artiste reconnu qui travaille dans le milieu depuis longtemps, en plus d’avoir connu un certain succès comme auteur-compositeur-interprète dans la France des années 60. Plus près de nous, il a entre autres participé à plusieurs événements comme la Manifestation internationale d’art de Québec, en 2000, où il présentait une installation intitulée Les bébelles se rebellent. Il était, pour notre plaisir, exposé à égalité avec des artistes comme BGL ou même Wim Delvoye…
Autre exemple de récupération de la culture populaire, au Musée d’art contemporain, alors que Michel Boulanger présente une expo intitulée Traîner son lourd passé. Des personnages faisant penser à ceux de Disney batifolent dans des tableaux, dessins et même un vidéo d’animation. Donald Duck y rencontre l’art baroque… Malgré le fabuleux délire onirique, presque surréaliste, de ses tableaux, j’ai toujours les mêmes réserves quant à la peinture de Boulanger (réserves que j’ai d’ailleurs pour tout un pan de l’art contemporain actuel). Le kitsch esthétisant exploité par l’artiste me semble avoir perdu depuis quelques années sa force critique… Mais je me dois d’ajouter que j’ai eu le même plaisir visuel et intellectuel en voyant ses dessins, qui attaquent plus férocement la joliesse du monde de Disney et de la culture populaire pour enfants. L’univers "dessins animés" y est déconstruit en une sorte d’abstraction, une envolée presque lyrique.
Florent Veilleux
Jusqu’au 25 janvier
À la Station C
Michel Boulanger
Jusqu’au 18 avril
Au Musée d’art contemporain