Gabor Szilasi : L’homme à la caméra
L’extraordinaire photographe GABOR SZILASI nous offre son portrait du cinéma québécois. Nostalgie au rendez-vous.
Quinze portraits. Quinze personnes du milieu du cinéma québécois, chacune d’elles immortalisée avec, dans ses mains, un appareil de la collection de la Cinémathèque québécoise. C’est le formidable photographe Gabor Szilasi qui a reçu l’an dernier cette commande pour fêter les 40 ans de cette institution. Une manière de célébrer du même coup le milieu cinématographique d’ici.
Szilasi signe des photos qui ont un je-ne-sais-quoi d’ancien (sans que ce terme ait quelque chose de péjoratif), ce qui tient d’abord au noir et blanc, bien sûr. Mais aussi à des poses d’une sobriété presque déconcertante. Cela fait un peu penser aux portraits que Yousuf Karsh élaborait, et même à une histoire de la photo plus lointaine… Une sorte de clin d’œil à une époque où le cinéma tenait encore du divin, et où les stars, étoiles filantes ou au zénith, se faisaient immortaliser dans des poses très figées, "au repos", disait Roland Barthes, comme si ces stars étaient déjà transformées en statues de cire, déjà placées sur le socle éphémère de la mémoire collective. Une sorte de sacralisation de notre cinéma qui aurait pu être étendue à plus de réalisateurs et d’artisans de l’industrie.
Malgré la qualité des photos, le concept de l’expo a donc un ton très nostalgique, qui dérange un peu. Tous ces anciens appareils, quoique magnifiques, y sont pour beaucoup, du cinématographe Lumière, caméra-projecteur 35 mm de 1895, à la caméra 16 mm Éclair ACL de 1977, en passant par la caméra Sony Trinicon de 1967. Étrange mélange de ces cinéastes et de ces vieux appareils qui se trouvent exhibés dans la salle d’exposition juste en face des photos de Szilasi… Bien sûr, il y aurait beaucoup à écrire sur l’art comme mise en scène, sur la perte, sur le temps disparu. Y a-t-il sacralisation sans conscience de la mort? Mais la question est ailleurs. Il manque à l’expo un petit quelque chose traitant non pas du passé mais du présent. Cela aurait pu être un court texte expliquant, pour chacun des 15 participants, ce qui a motivé son choix de caméra, ses liens avec la technique cinématographique ou même les nouvelles technologies qui rendent plusieurs de ces instruments caducs… Bref, une mise en contexte qui permette de mieux parler du cinéma comme métier, comme pratique, comme manière de dire le monde au présent.
De ce point de vue, cette série de portraits nous rappelle combien le milieu du cinéma est encore une affaire de gars. Sur quinze portraits, deux seulement sont de femmes: Marielle Nitoslawska, réalisatrice (entre autres, du documentaire Bad Girl, sur la porno faite par les femmes), et Monique Champagne, scripte pour des films aussi connus que Kamouraska, J. A. Martin, photographe et Bonheur d’occasion. Cela m’a fait penser aux artistes des Guerrilla Girls qui dénoncent le fait qu’à Hollywood, seulement 4 % des réalisateurs soient des femmes… Comme quoi sous cet angle, notre industrie n’est pas si différente de celle des États-Uniens.
Jusqu’au 1er février
À la Cinémathèque québécoise
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