Le milieu bâti : Last call
Arts visuels

Le milieu bâti : Last call

Il ne reste que peu de temps avant que se termine Le milieu bâti, réunissant des œuvres dans un cocktail à saveur architecturale.

Jusqu’au début février, le Musée des beaux-arts du Canada présente, dans quelques-unes de ses salles d’art contemporain, Le milieu bâti, une exposition s’attardant sur l’architecture moderne à travers diverses disciplines telle la peinture, la photographie, l’installation et la vidéo. Réunissant des artistes canadiens et d’ailleurs dont Geoffrey James, Günther Förg, Mark Lewis, Eleanor Bond et bien d’autres, Le milieu bâti propose des visions contre-utopiques de villes futuristes, met en évidence des tensions inhérentes à l’architecture moderne, comme la construction et la destruction, la perte et l’abandon, etc. Comme le champ exploratoire de l’exposition est vaste, j’ai préféré privilégier une œuvre plutôt que d’effleurer les œuvres à la surface et ne rien y voir du tout.

Architecture d’un quotidien roulant
L’entrée dans Sans titre (1980) de Tony Brown se fait dans l’obscurité presque totale. Seule la lumière d’un carrousel éclaire, projetant une série de diapositives sur une maquette meublée, double étage. Pas un seul élément contenu dans la maquette, lampe, divan, téléviseur, rideau, etc., ne bouge, malgré le fait qu’elle pivote sur elle-même à une vitesse vertigineuse. Logiquement, les meubles de la maison ne devraient-ils pas voler en éclats aux limites de l’espace cachées dans la noirceur plutôt que de rester fixé solidement comme si de rien n’était? Mais, à bien y penser, la terre tourne vite elle aussi et rien ne décolle! L’installation du revêtement extérieur de la maquette étant remise à plus tard, les petits 2 x 4 placés à égale distance évoquent la prison, la cage ou le "en construction", ouvrant paradoxalement sur un lieu visiblement habité. Tel un photo-roman sans romance, les diapositives racontent, par le biais de textes et de photographies du contenu de la maquette, un quotidien normal, banal, qui pourrait être le vôtre. Soudain une phrase apparaît, Have Breakfast! Puis une deuxième, Go To Work! Au fur et à mesure que défilent les diapositives, le temps passe vite. Come Home, She Went Upstairs, He Read the Newspaper, They Ate Dinner, Nothing Was Said. Et puis, It’s Getting Late, Turn Off the T.V, jusqu’au moment où le jour se lève à nouveau. Have Breakfast, Go To Work, et on recommence le cycle de 24 heures, à l’échelle d’un 15 minutes, jusqu’à opacification du sens. Le changement de mesure de l’objet miniature vers sa représentation photographique agrandie donne un point de vue intérieur, une impression de visiter les lieux, de monter au deuxième étage en compagnie de l’un ou l’autre des occupants, bref d’avoir pénétré l’intimité de parfaits inconnus, sachant à la fois cette impossibilité de ne pouvoir y accéder physiquement.

Enfin, cette œuvre de Tony Brown saura peut-être vous donner le goût de sortir de votre boîte cyclique, l’envie comme Léo Ferré, dans Il n’y a plus rien, de renverser les chaises et de manger debout, du moins, poser un geste pour échapper à l’habituel rouage du quotidien.

Jusqu’en février
Au Musée des beaux-arts du Canada
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