De Millet à Matisse : Portraits de famille
Laisser passer l’occasion de voir des tableaux de Van Gogh, de Courbet, de Cézanne? Pas question d’ignorer le passage des œuvres de Vlaminck et de Rouault. De Millet à Matisse: pour exercer son regard.
"Aller dans les musées, aller voir des œuvres, c’est la clé de bien des énigmes pour comprendre l’art." Ces mots sont de Daniel Drouin, conservateur de l’art ancien au Musée national des beaux-arts du Québec. Que ce soit pour découvrir pour la toute première fois une œuvre de Van Gogh ou pour parfaire ses connaissances encyclopédiques, la fréquentation de la soixantaine d’œuvres, qui embrasse un siècle de peinture française, ne peut que participer au développement du goût et du jugement; à exercer notre regard en somme. Tous les tableaux ne plairont pas également. Qu’on pense aux natures mortes qui ne nous attiraient pas d’emblée! Pourtant, devant Corbeilles de fleurs de Gustave Courbet ou les roses d’Henri Fantin-Latour, on ne peut qu’apprécier le métier et la sensibilité de peintres d’un autre temps. Il est difficile de renouveler le discours sur cet art français des XIXe et XXe siècles – il a été fort étudié et beaucoup exposé -, sinon pour rappeler que ces peintres sont les représentants de l’avant-garde de l’époque: "On parle d’artistes révolutionnaires ici, explique Daniel Drouin, il n’y a pas de témoin de la peinture officielle, hormis Corot." D’ailleurs, le Musée a joint deux tableaux de sa propre collection à l’exposition, dont un Camille Corot provenant de la succession de l’ancien premier ministre du Québec, Maurice "le Noblet" Duplessis…
Les tableaux de cette exposition proviennent de la Kelvingrove Art Gallery de Glasgow, qui fait circuler sa collection "riche et complète" pendant que le musée écossais effectue des travaux de rénovation. Il s’agit de la seule escale canadienne de l’exposition organisée par l’Americain Federation of Arts. Il est important de signaler que l’institution de Glasgow abrite l’une des plus grandes collections de peinture française de Grande-Bretagne. Quel regard proposent les institutions muséales sur cette collection? Il s’agit d’abord de mettre en valeur les collectionneurs et leur temps, pour ensuite entrer au cœur de l’univers des peintres, de leur rapport à la nature, à la peinture, à leur époque. Glasgow, ville prospère du XIXe siècle, verra naître une "nouvelle classe de citoyens fortunés", qui doivent leur richesse aux industries navale et textile. Outre la construction de "somptueuses maisons", ils collectionneront aussi les œuvres d’art. Leurs goûts sont éclairés par des collectionneurs et des marchands d’art audacieux, parmi lesquels Alexander Reid, dont Vincent Van Gogh a peint le portrait en 1887 à Paris, un des tableaux phares de l’exposition. Paysages, vues urbaines, portraits, natures mortes, il faut se laisser toucher par l’univers de ces peintres, dignes représentants des grands courants artistiques du temps. Un paysage schématisé typique de Cézanne, l’intensité d’un tableau fauve de Vlaminck, la virtuosité de Courbet ou l’humanité des paysans de Millet en rupture avec les représentations idéalisées prisées par la bourgeoisie: si parmi les œuvres de ces 44 artistes, une seule occupe un temps nos pensées, c’est déjà beaucoup.
Jusqu’au 2 mai
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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Bloc-notes
Ève Cadieux chez Rouje
La source du projet d’Ève Cadieux remonte au décès du sculpteur Pierre Granche. La désertion de son atelier universitaire a laissé interdite la photographe marquée par l’enseignement de cet artiste exceptionnel. Comme "antidote à la disparition", elle a par la suite photographié ses propres amis artistes. Les représentations d’ateliers traversent l’histoire de l’art, comme celle de la photographie. Celles-là ont la particularité d’allier la technique traditionnelle, la solarisation (procédé popularisé par l’œuvre de Man Ray) et la technologie numérique. Ces images sont aussi et surtout pour Ève Cadieux "une rencontre avec un autre artiste", avec son environnement et les objets qui l’entourent. Sensible et pertinent. À voir, jusqu’au 15 février.
Roberto Pellegrinuzzi chez Engramme
Du blanc au noir, chacune des huit sections de l’œuvre du photographe montréalais fait apparaître puis disparaître les dizaines de petites images déposées au sol. Cette galerie de photographies intimes parle avec perspicacité des conditions d’apparition et de disparition de l’image révélée par le processus photographique. Jusqu’au 15 février.
Un banquet de roches au Lieu
Wanda Campbell et Lise Létourneau ont installé une grande table avec divers plats où on trouve en guise de nourriture de petites roches. L’analogie va jusqu’au désert, où les coupes de verre se parent de sable. En définitive, ce sont les caractéristiques des différentes pierres et leur géologie qui finissent par attirer l’attention. Étrange, mais ça fonctionne. Jusqu’au 8 février.