Sylvain Bouthillette : Tout est bien qui finit parfait
N’allez pas croire que Tout est parfait est une idéalisation du monde à la mode Walt Disney… Non, car vous seriez drôlement déçu.
À la fois évocateur et abstrait, que peut bien vouloir dire ce titre d’exposition? À quoi ressemble donc un tout considéré parfait? Le monde de Sylvain Bouthillette se compose d’une foule de juxtapositions d’éléments qui, de prime abord, semblent disparates, incongrus et raboutés. Et, ajoutant à la confusion des choses, clown, mégaphone, corneille, écureuil, chat, gorille et ainsi de suite, cohabitent dans un vocabulaire construit par le biais d’une multitude de médiums, c’est-à-dire gravure, photographie, sculpture et musique. À première vue, l’appréhension sous-jacente au titre ne coïncide pas tout à fait avec la première impression des œuvres… Mais, malgré les apparences de différences inconciliables et de fouillis, l’exposition forme finalement un tout parfait, pondéré par l’union autocohérente de différents pôles.
Sylvain Bouthillette met en scène un quotidien qu’il marie au bouddhisme, dans une recherche d’équilibre à la fois visuel et humain. Nombre de stratégies sont utilisées pour inciter à la méditation, dont la répétition d’une corneille multipliée à la manière de la Marilyn d’Andy Warhol ou apparaissant dans une dimension géante réduite à une simple tache noire, introspective et zen. L’artiste intègre également des noms de moines bouddhistes, tout comme des points lumineux flottant autour des sujets photographiés, telle la manifestation de particules énergétiques de l’esprit en éveil. Des têtes de clowns et des mégaphones pivotent de manière incessante de gauche à droite, partagent le même mouvement méditatif, amenuisant petit à petit leurs charges symboliques au départ contradictoires. La mécanique de l’un des clowns grince. Les mégaphones émettent, paradoxalement, des sons calmes semblables à celui d’un gong, de l’un des clowns se fait entendre les respirations d’une jouissance sexuelle d’une femme et d’un amoncellement de haut-parleurs est subtilement perceptible un mantra. L’aspect sonore, tout aussi bigarré que le reste, composée de sons complémentaires, forme un tout, une composition parfaite pour se mettre dans un état zen.
Ce qui ne manque pas de contraster sur les plans conceptuel et visuel est la capacité de l’artiste à unir un mélange des esthétiques de la culture pop et du mouvement punk avec le bouddhisme. Le pop-art embrassait et critiquait la culture populaire… Le mouvement punk en est un de résistance, de revendications sociales bien terre-à-terre… Même le tatouage en forme d’étoile transféré sur la surface du cadre témoigne davantage de la culture occidentale… Le moine tibétain cherche à l’inverse, à enrayer de son esprit les considérations routinières, à se libérer de la signification des choses, de se soustraire, pratiquement, à la condition humaine. En ce sens, Tout est parfait nous fait prendre conscience de notre dépendance à la signification des choses et de l’influence qu’elle exerce sur notre compréhension du monde, au point d’en ressentir l’inconfort, le doute, voire l’irritation.
Situé entre l’humour et le troublant, entre le familier et l’étrange, tout est bien qui ne finit peut-être pas exactement comme vous l’aviez imaginé…
Jusqu’au 8 février
À Axe Néo-7
Voir calendrier Arts visuels