Reid McLachlan : Last call
Chacun des personnages austères de REID MCLACHLAN semble aux prises avec son misérable sort, porter en lui ses douleurs, impuissant face à ses rêves perdus d’avance.
Marked by Time, Suspending Hope, Measures of Justice, Touch Wood
… Voilà quelques titres évocateurs de l’ambiance générale, tragique et parfois vengeresse, de L’Inexorable destin, comportant près de trente tableaux récents. Chacun raconte une bribe d’histoire personnelle, formant ensemble un tout complexe en dialogue, mettant en évidence les nombreuses ironies de la vie.
Plusieurs personnages sont mis en scène dans leur milieu de travail, certains en veston cravate, d’autres torses nus ou vêtus selon divers métiers physiques, ardus. Une hiérarchie est installée, réversible pourtant, donc absurde… L’homme en veston cravate maigrichon assis dans le haut de Earth’s Eye, manipulant tranquillement un pantin comme le symbole parfait de sa tyrannie, est aux commandes des personnages du bas, musclés, outillés… Certains abdiquent dans un sentiment d’impuissance, tandis que d’autres, parfois en couple, semblent réfléchir ou comploter pour perfectionner leur stratagème de libération. Mises à part les relations interpersonnelles du travail, d’autres toiles mettent en scène des histoires d’amour dans le genre "tout est bien qui ne finit pas bien"… Dans l’un des tableaux, une femme est la cible d’une flèche d’enfant, celle d’un homme marchant sous l’inscription "BASTARD"… Dans Sans titre, une triste note, épinglée sur le vêtement d’un travailleur dit: "don’t wait up for me xoxoxo", témoin de la vie de famille pratiquement impossible…
Chaque tableau renferme une foule d’objets chargés symboliquement, disparates – outils divers, herse, chaînes, nid, balance, jouets d’enfants, etc. -, se juxtaposant de manière à créer des significations ou fonctions autres. Dans The Cost of Patience, des blocs d’enfants deviennent matière à construction d’un édifice grandeur nature, dans Earth’s Eye, la clef à mollette pourrait servir éventuellement comme arme… De minuscules installations faites à partir des agencements d’objets et d’éléments, souvent en rapport avec la légèreté, la pesanteur et l’équilibre, comme le mobile supportant des sacs pesants. Et, si vous êtes attentif, vous y verrez un pin dans le vent de type Groupe des Sept, ou une église dans le style de Jean-Paul Lemieux, exemples d’éléments plaçant des repères dans l’histoire du Canada.
Un rapport d’échelle entre les personnages et les objets est présent par la mise en scène à l’intérieur de la mise en scène. Les yeux bandés, le personnage de Touch of Regret ne se rend pas compte qu’un homme minuscule est tombé de sa barque dans son tonneau rempli d’eau… Sur le plan de la composition, McLachlan peint de petits tableaux dans le tableau, des paysages ou des portraits, amenant un certain formalisme contrastant avec le caractère émotif des scènes. Ces cases amènent des points de fuites conceptuels, évoque la marche, voire l’évasion, apaisant momentanément notre émotivité.
Enfin, les histoires et les émotions que racontent les œuvres ressemblent aux vôtres, à celles de n’importe qui, bref, dépeint notre fragile condition humaine, pesante ou légère, c’est selon.
Jusqu’au 22 février
À la Galerie Montcalm
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