Mois Multi : Tout ça pour ça
Dernière fin de semaine de la cinquième édition du Mois Multi, qui nous a servi, en plus de quelques bons moments de théâtre, l’occasion de faire des expériences visuelles et sonores. Commentaire sur quelques productions et installations multidisciplinaires.
Ce dernier Mois Multi a été marqué par la qualité des concerts technologiques, ceux de Machines et de Black Box (spectaculaire), et par le théâtre multidisciplinaire qu’on y a présenté. Qu’on pense seulement à Provincetown Playhouse, juillet 1919, j’avais 19 ans de Normand Chaurette, mis en scène par Carole Nadeau. Cela se voit, le Mois Multi, créé par Recto-Verso, est bien ancré dans le champ des productions théâtrales. Deux installations terminent ce mois d’activités, auquel le public a répondu avec intérêt. Il s’agit de Bulbes, du collectif Artificiel, et d’Au bout du fil, de Catherine Béchard et Sabin Hudon, qui posent des problèmes touchant de plus près aux arts visuels. Deux œuvres assez exemplaires des difficultés qu’on rencontre souvent avec l’art multidisciplinaire.
Le collectif Artificiel a parsemé le Studio d’essai de dizaines de grosses ampoules suspendues méthodiquement au haut plafond, descendant presque jusqu’au sol. Elles s’allument en alternance, créant des effets sonores et visuels étonnants. On peut aussi se déplacer dans ce décor lumineux. L’effet est saisissant. C’est une production de musiciens et de metteurs en scène: cela ne fait aucune doute. Le collectif Artificiel est en effet composé d’Alexandre Burton, compositeur luthier numérique et chercheur, de Jimmy Lakatos, scéno-vidéographe et acrobate technique, ainsi que d’un artiste sonore, Julien Roy. Ils ont créé, avec Bulbes, un décor, une atmosphère; une ambiance.
Quant à la machine de Catherine Béchard, créatrice d’objets ludiques portables, et de Sabin Hudon, saxophoniste, elle est la fois ingénieuse et fragile.
Or, dans un cas comme dans l’autre, on se retrouve face à des dispositifs qui, une fois l’appréciation technique et esthétique passée, nous laissent avec un sentiment de vacuité. Le prétexte multidisciplinaire semble autoriser bien des artistes à produire des "installations" où dominent les démonstrations mécaniques ou technologiques. On ne peut que constater que la complexité et le déploiement des moyens et des dispositifs ne sont pas toujours proportionnels à la production de sens. Mais, rendons à César ce qui appartient à César, ces œuvres permettent, en définitive – et ce n’est pas rien! – de s’interroger sur la finalité de l’art… Faites-en vous-mêmes l’expérience! Entrée libre.
Jusqu’au 29 février
Au Complexe Méduse
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Bloc-notes
En compagnie des figures du temps
Quelques mots sur une rencontre fascinante avec l’artiste passionnée Eugenia Gortchakova. La pratique de cette artiste d’origine russe est extrêmement minutieuse; son travail, précis. L’attitude d’un autre temps. Exotique. Alors qu’on imagine ces œuvres picturales comme le produit d’un travail infographique, on s’étonne de constater qu’il s’agit simplement d’acrylique sur toile et sur plexiglas. Chaque geste est posé avec attention et lenteur. Le résultat paraîtra sage, peut-être un peu conventionnel, aux êtres si habitués que nous sommes aux formes éclatées. Cependant, la complexité des œuvres ainsi que l’intérêt de la réflexion ne laisseront pas indifférents. "Avec cette pratique, j’ai calmé ma peur du néant", explique celle qui a quitté Moscou pour Oldengburg, où elle travaille du matin au soir.
Avec Eugenia Gortchakova, les réflexions et les affirmations-chocs se succèdent. En filigrane de ses œuvres, dont la lisibilité ne va cependant pas toujours de soi, apparaissent des portraits. On y retrouve Marilyn Monroe – "Ma soeur!" dira-t-elle, pétillante -, ainsi qu’une galerie de philosophes et d’artistes: "Quand je dessine Duchamp, je suis Duchamp!" lance-t-elle encore, citant l’affirmation célèbre de Tolstoï, "Je suis Anna". Celle qui parle avec brio et intensité de son travail, de sa vision de l’existence et de philosophie conclura notre rencontre par un: "Je suis du pays révolutionnaire. Mais c’est quand tu es vrai que tu changes le monde…" À voir à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval, jusqu’au 14 mars.