René Donais : À poil!
L’excellent graveur RENÉ DONAIS est de retour avec une nouvelle série tout aussi fabuleuse que ses précédentes. Visite aux pays de l’hirsute.
Il ne vous reste que deux jours pour aller plonger dans l’univers fantastique du graveur René Donais. Avec Hirsutographies: autopsie du velu, il propose sept séries de gravures (dont une réalisée en collaboration avec les artistes Éric Braün et Yves Millet) qui mettent en scène des personnages à la pilosité hyper-développée. Une vision de l’humain à l’opposé de celle valorisée par les corps totalement glabres de l’esthétique grecque antique, reprise par bien des époques (Renaissance, néoclassicisme…) et que le monde de la pub, encore à l’heure actuelle, exhibe. Mais qui a peur des poils?
Les poils n’ont pas eu la cote en Occident. Bien souvent vus comme le signe d’une animalité dangereuse, ils ont été réprimés autant dans les représentations artistiques que dans la vie réelle. Au cours de l’histoire, les corps furent épilés, rasés, les poils arrachés, taillés. En peinture, longtemps les corps se devaient d’être aussi blancs et lisses que le marbre poli. Et c’est tout l’intérêt du travail de Donais que de nous montrer l’envers d’une esthétique dominante. Il nous présente l’animalité, conviée par le foisonnement des poils, comme objet de peur mais aussi de fascination et même de fantasme.
Ses séries gravées racontent plusieurs histoires intrigantes comme celle du "médecin danois Bartholinus [qui] a attribué au passage des comètes – en raison de leurs queues célestes – la naissance des enfants velus et prescrivait un régime à base de sperme de chauve-souris pressé à froid pour s’en prémunir"! Si, lors du passage d’une prochaine comète, une lectrice tente cette expérience, qu’elle soit assez gentille de m’écrire pour me faire part des effets de la potion…
Dans cette expo, vous pourrez aussi voir la femme à barbe Barbara Ulserin et des représentations extraordinaires de son examen anthropogynécobuccal… Au nom de la science, sa pilosité lui valu une inspection de toutes ses cavités! Sont aussi exhibées les images de Petrus Gonsalus qui, au 16e siècle, donna naissance à une ribambelle d’enfants tous aussi hirsutes que lui-même. Et si cela ne vous a pas encore étonnés, il vous reste la série des hermaphrodites de Psalmanazar, qui donne entre autres à voir un Salon de thé chez les hermaphrodites du Congo… Ça frôle le freak show, mais Donais se sert de ces poils pour élaborer un travail d’une grande finesse sur la texture autant dans le travail gravé que dans la précision du travail d’impression. Le poil devient donc un prétexte pour créer une surface où le velu devient du velouté.
René Donais continue de démontrer la pertinence de la gravure en art actuel, même si ce médium n’a pas beaucoup de place dans le monde des galeries d’art contemporain. Depuis plusieurs années, l’artiste renoue avec des dispositifs anciens, comme l’anamorphose, ou invente de nouvelles manières de montrer la gravure en la plaçant sur des machines rotatives. Et chaque fois, il sait nous ravir.
Jusqu’au 28 février
À la Galerie de l’atelier circulaire
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