Pour savoir, il faut imaginer – Thérèse Guy : L'arche de Noé
Arts visuels

Pour savoir, il faut imaginer – Thérèse Guy : L’arche de Noé

THÉRÈSE GUY a découvert un filon qu’elle expérimente et fouille avec une frénésie convaincante. Elle en livre, chez Rouje, les plus récents résultats. Humaniser le numérique.

Remarqué dès ses premières expositions, le travail de Thérèse Guy étonne par sa simplicité. La sensibilité qui émane de ces œuvres numériques impressionne. On sait tout de suite qu’il se passe quelque chose là et que le meilleur est encore à venir… Thérèse Guy a découvert une façon de travailler qui lui est propre. L’artiste a 10 ans de pratique du vitrail, quelques années de travail pictural (lire: de la couleur), sans compter une implication continue dans l’art postal avec le collectif Réparation de poésie. Depuis deux ans, elle a laissé tomber pinceaux et tubes pour utiliser l’ordinateur et le programme Photoshop. Ça peut paraître banal, mais ça lui réussit plutôt bien. En outre, elle travaille d’une manière peu orthodoxe: "Je n’ai pas de recette. Mais je peux montrer aux gens comment désapprendre!" Elle a découvert avec l’ordinateur tout un univers: "J’y ai trouvé la transparence et la rapidité." La rapidité? Cela veut dire passer d’une image à l’autre, en réaliser des dizaines, les garder en banque, en imprimer certaines, les modifier encore. Savoir les choisir.

Les cinq pièces qu’elle expose chez Rouje sont des impressions à jet d’encre sur toile. La présentation rustique n’est peut-être pas tout à fait impeccable, mais la force des images interpelle d’emblée. Ces images en aplat sont ponctuées de gestes spontanés. Les traits délibérés relient des fenêtres qui ouvrent sur une diversité de textures, de couleurs et de compositions. Un orignal, un lapin, un oiseau, une cible, des figures humaines: toute une galerie d’icônes communes peuple son univers. Ces images possèdent une facture particulière, presque intemporelle, à mi-chemin entre le matériel et l’immatériel. Comme l’écrivait l’artiste Françoise Tounissoux dans un texte du colloque virtuel sur l’État de l’infographie d’art du Centre Sagamie, une des spécificités des images matricielles consiste à favoriser l’émergence "d’une sensibilité jusque-là inconnue, impossible". Une sensibilité dont participe le travail de Thérèse Guy. Chez Rouje, une série de dessins sur papier de l’artiste occupe aussi l’espace d’exposition, qu’elle partage avec les photographies et la vidéo autoportrait de l’artiste d’origine mexicaine Pilar Macias ainsi qu’avec les sculptures et les collages d’acier de France Andrée Sevilano. À voir.

Jusqu’au 21 mars
Chez Rouje
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Bloc-notes
À L’Oil de poisson
En duo dans la grande galerie de l’Oil, une installation sonore de Réal Patry et Claude Rivest. Les deux artistes ont construit une forêt de fines tours où s’activent, d’un lieu à l’autre, des fils de plomb dans leurs différents états: certains tournent, d’autres montent et descendent, quand ils ne s’affolent pas, tourbillonnant sur eux-mêmes. Autour de la dizaine de colonnes de bois, des bandes sonores démarrent à notre passage. Dans le noir, on découvre un à un ces petits théâtres où s’allument et s’activent les différents mécanismes fourmillant de détails comme autant d’éléments d’une narration à laquelle il faut s’abandonner candidement pour en apprécier la portée. Dans un tout autre registre, Janet Bellotto a envahi les murs de la petite galerie avec une installation doublée également d’une bande sonore. Jusqu’au 28 mars.

Chez Vu
Deux expositions de photographie se déroulent actuellement chez Vu. Threshold (seuil) de l’artiste torontoise Lisa Klapstock propose une vingtaine de prises de vues où l’objectif de la caméra s’est collé aux ouvertures nous donnant accès aux cours arrière et autres ruelles de la métropole canadienne. Les premiers plans irrémédiablement flous s’oublient pour laisser voir les arrière-plans impeccables de précision. Quant à Gymnastique signalétique d’Annie Baillargeon, il s’agit d’une proposition résultant d’un séjour de production dans les laboratoires de Vu. Les cinq grandes impressions sont le produit d’un travail numérique. Les variations sur le corps sont le prétexte à l’élaboration d’un alphabet qui crée à son tour différents motifs. On retrouve ici un détachement et des maladresses calculées dans les gestes qui s’apparentent à ce qui est à l’œuvre dans les auto-représentations des Fermières obsédées, dont Annie Baillargeon est l’une des quatre membres. À voir, jusqu’au 28 mars.

La Chambre blanche
Inauguration de la résidence de l’artiste espagnole Teresa Cebriàn. Une excellente occasion de rencontrer cette artiste européenne dont la pratique est depuis 20 ans centrée sur "la mémoire, l’identité, la guerre et la perte d’idéaux". Vendredi 12 mars, dès 20 h.