Sutures, de Serge Clément : Pari Berlin
SERGE CLÉMENT arpente les villes et nous les montre habitées de figures multiples, de leurs ombres et autres reflets. Par l’œil de la caméra, il livre sa vision singulière du monde. Tel que vu.
Les photographies de Serge Clément présentées chez Lacerte ont été prises à Berlin entre 2000 et 2003. L’exigence de ce lieu marqué par l’histoire et la facture des photographies font d’elles des œuvres remarquables. Ce sont des épreuves argentiques (un des procédés d’impression photographique les plus anciens), de grands formats impeccables, d’une richesse de texture rare. La présence du grain photographique leur donne une sensualité particulière. C’est bien sûr l’impression sur papier au sel d’argent qui confère aux photographies cette superbe profondeur. En outre, celles-ci nous instruisent des nuances entre les impressions numériques actuelles et la photographie plus traditionnelle. Nous sommes, devant ces images, dans un rapport essentiel de co-présence, assez rare avec la photographie: il faut donc les voir! Dans ces images aux portes d’entrée multiples, les plans s’accumulent comme autant de vues simultanées d’un même moment. "On passe d’un lieu à un autre, explique le photographe, cela peut ressembler à la façon dont on perçoit la réalité. Avec des filtres visuels, d’émotions, d’états d’âme." Les qualités plastiques de la production photographique de l’artiste montréalais – qui a aussi réalisé une série sur Shanghai récemment -, son caractère désormais presque classique (dont la forme peut apparaître en effet conventionnelle) ainsi que la présentation impeccable: un peu de tout cela explique la position enviable qu’il s’est taillée depuis des décennies dans l’univers de la photographie québécoise contemporaine.
Ces œuvres, elles sont les témoins de longues heures passées à marcher et à se perdre dans la ville; un état propre au voyageur. "L’errance est une vieille idée de découverte de la ville: Walter Benjamin, Apollinaire en parlent. C’est une idée utilisée aussi bien par les écrivains que les photographes", peut-on lire dans une entrevue avec Serge Clément parue dans Spirale en 2001. Lors de ses récents séjours dans la capitale allemande – qui incarne presque, à elle seule, l’histoire et les souffrances du XXe siècle -, Clément a été guidé par nulle autre que Régine Robin, historienne et auteure, notamment, de Berlin Chantiers. Un de ses textes accompagne d’ailleurs un ouvrage sur la série de Berlin publié aux éditions Les 400 coups. Régine Robin parle magnifiquement du passage du temps, des traces du passé, des absences. Celle qui arpente les villes avec des guides publiés avant la guerre ou qui collectionne les vieilles cartes postales, les tickets de métro et les reçus de café fait se côtoyer, à travers son œuvre multidisciplinaire, fiction, documentaire et histoire. Une approche s’apparentant aux photographies de Serge Clément, où s’entremêlent les lieux privés et publics, les arrière-plans clairs et les reflets évanescents quasi oniriques, la description objective et les regards subjectifs. Autant d’apparitions dans une même image, qui, par leurs co-existences simultanées, défient toute vision unilatérale de la réalité. Et ce n’est dû qu’à l’attention du photographe…
Jusqu’au 17 avril
À la Galerie Lacerte art contemporain
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Bloc-notes
www.museevirtuel.ca
Avait tout récemment lieu l’inauguration d’une nouvelle exposition sur www.museevirtuel.ca. L’exposition immatérielle Horizons: La Peinture de paysage canadienne et russe (1860-1940), dévoilée au Musée national des beaux-arts du Québec, avec la ministre du Patrimoine et consorts, regroupe 250 peintures provenant de collections et d’institutions russes et canadiennes. Sorte de bibliothèque de l’art canadien, le site "s’inscrit dans le cadre d’une stratégie du ministère du Patrimoine canadien qui a pour but de promouvoir les œuvres culturelles canadiennes dans Internet". Une adresse à conserver, mais aussi une invitation à voyager et à apprécier, dans un monde idéal, les œuvres sur place…
Vernissages
Induire en erreur
Pierre Hamelin, un artiste dont le travail est sans compromis, expose trop rarement. Ses assemblages d’éléments d’origine animale, d’ossements et d’autres matériaux recyclés possèdent toujours une charge poétique indéniable. On se réjouit de voir à nouveau le travail de cet artiste discret, dont c’est le premier solo sur la rue du Pont. L’inauguration a lieu le vendredi 26 mars prochain à 20 h.
Au Café urbain
À voir pour une journée seulement, le samedi 27 mars à partir de 13 h jusqu’à la fermeture, le mobilier d’art de Marie-Claude Trudel et Simon Grégoire et, notamment, les tableaux récents de Pierre Otis.