Patrick Coutu / Stephen Schofield : Maison modèle
Boudé pendant longtemps, le bungalow de banlieue fait de nouveau rêver. C’est en tout cas ce que nous disent deux expositions qui se tiennent ces jours-ci au centre d’art contemporain Optica.
Les bungalows ont la cote. Je ne sais pas si vous avez vu à Télé-Québec, fin janvier, le documentaire de la réalisatrice Danielle Pigeon sur le sujet. Elle y montrait comment ce type de bâtiment, qui fut si honni, a de nouveau la faveur de la mode. Qui aurait pu croire cela il y a seulement dix ans? Certains veulent même protéger les bungalows de la destruction et des rénovations abusives. Ils y voient une forme de patrimoine à classer! On croit rêver.
Le propos a même interpellé l’artiste Patrick Coutu, qui lui consacre une série d’aquarelles. Il s’est particulièrement intéressé à un quartier entier de ces maisons, le Développement Maisonneuve.
À travers ses dessins, Coutu pose un regard original sur l’architecture qui rejoint et même renouvelle celui de Melvin Charney (qui, il faut le dire, se répète depuis plus de 15 ans) sur l’architecture vernaculaire. À l’entrée de l’expo, la maquette des fondations d’un de ces bungalows donne le ton. Trouvant ses racines dans des cristaux posés sur du velours cramoisi presque cardinalesque, cette maquette tient à la fois du féerique et du divin.
Signalons que Patrick Coutu aura une expo en août prochain à la Galerie René Blouin. Ce sera là son expo de maîtrise et j’ai bien hâte de voir les derniers développements de sa création.
Stephen Schofield, qui occupe quant à lui la grande salle chez Optica, interroge aussi la maison de banlieue, celle de son histoire personnelle, celle qui a vu apparaître ses rêves puis fantasmes d’enfant et d’adolescent. Dans A Boy’s Own Story, Schofield exprime son univers presque surréaliste. Un univers où le sexuel est présent, mais d’une manière subtile et intelligente, moins explicite que dans le dessin du même artiste exposé dans la galerie d’à côté, chez Roger Bellemare, et qui montre deux hommes en plein ébat sexuel.
Ici, des sculptures de chats se léchant les organes génitaux et l’anus côtoient celles d’hommes paradant avec des sous-vêtements sur la tête… Un univers où le jeu est roi mais aussi où le sale, le scatologique, le pipi-caca-pouet de l’enfance se retourne pour devenir le ferment du pulsionnel. Ces sculptures m’ont étrangement fait penser à ce commentaire misogyne de l’artiste impressionniste Degas (qui était, de plus, antisémite) qui comparait les jeunes femmes au bain, qu’il a si souvent peintes, à des chattes faisant leur toilette! Mais cette métaphore animalière prend un sens plus intéressant chez Schofield, qui pointe une certaine animalité de l’univers fantasmatique masculin.
Ailleurs, le travail inventif de l’enfant permet à des balançoires et autres mobiliers urbains de se transformer en étranges objets tenant à la fois de la grappe de raisins et du collier de bonbons… C’est la partie la plus énigmatique et la moins réussie de l’expo. Sur les murs, les dessins de Schofield sont quant à eux une grande réussite. Dans l’un d’eux, un Christ dans une sorte de chromo très coloré se trouve recouvert de mouches. Ici, l’univers de l’enfance et de l’adolescence n’est pas exempt de références à la religion, aux péchés et à la transgression de ceux-ci.
Jusqu’au 10 avril
À la galerie Optica
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