Sylvain Cousineau : Voir avec d’autres yeux
À regarder par-ci, d’autres choses nous échappent par-là… Heureusement, il y a des artistes pour nous montrer ce que nous n’aurions pas vu autrement.
Né à Arvida au Québec, Sylvain Cousineau possède, depuis 1974, une maîtrise du Visual Studies Workshop de Rochester à New York. Il aura enseigné à l’Université d’Ottawa au Département d’arts visuels et vit actuellement à Montréal. Travaillant principalement la peinture, l’assemblage et la photographie, il crée des œuvres qui font partie, entre autres, de la collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal. L’exposition, intitulée Coq-à-l’âne et présentée à la Galerie d’art d’Ottawa, comprend des œuvres datées de la fin des années 60 jusqu’au début des années 80, ainsi que d’autres plus récentes, afin d’offrir, à travers plus de 40 œuvres, un aperçu considérable de sa pratique artistique.
Les photographies de l’artiste s’inscrivent dans la tradition du paysage social, rappellent le travail de Lee Friedlander. Comme lui, Cousineau puise à même la mouvance de la vie quotidienne pour capter le moment décisif, la rencontre singulière d’éléments, souvent cocasse et humoristique, n’existant que dans l’ici et le maintenant. Les passants et les autoportraits sont souvent flous ou encore pris par l’intermédiaire d’un miroir, comme si l’artiste cherchait à ne pas montrer totalement ce dont il s’agit, comme pour nous rappeler l’inévitable imperceptibilité. Francis sans tête, avec son titre littéral, est tout aussi évocateur en ce sens, ainsi que Cut finger, montrant sans la montrer la coupure cachée par un pansement. Aussi, parfois, l’artiste se penche sur quelque chose de plus intime ou de plus personnel, entre autres dans Voisine with flowers, où l’on voit une vieille femme, sourire tendre aux lèvres, tenant une jeune plante dans ses mains… Ainsi, fasciné par des événements marquants de l’Histoire et des figures connues telles Gagarine, le premier homme de l’espace et Jacky Kennedy, etc., Cousineau s’intéresse de la même façon à l’ordinaire et l’anonyme.
Dans Portrait de moi-même, par moi-même, avec un judas, l’artiste pose, une main sur son œil, nous regardant de l’autre, remplacé par un judas. Parenthèse: ici encore, et dans le contexte même d’un autoportrait, l’artiste emploie une autre stratégie pour garder une partie cachée. Cela dit, cette toile fait un lien intéressant entre la peinture et la photographie, ainsi qu’entre l’acte de regarder la représentation de l’artiste et celui de se faire scruter conceptuellement par la toile ou le créateur. Le judas, surmonté de la lunette, s’additionne pour mieux nous observer et renvoie à la lentille de l’appareil photographique. En ce sens, même la position de l’artiste, cachant la moitié de son champ de vision, rappelle le geste de fermer un œil pour regarder à travers le judas, mais aussi pour prendre une photo.
Finalement, dans l’ensemble de son œuvre, l’artiste parvient à suggérer de multiples jeux visuels et de transposition de sens. C’est ainsi que l’œuvre ouverte de Cousineau vous souhaite la bienvenue… Il vous attend dans le monde, le vrai, son univers rempli de regards captés à la dérobée…
Jusqu’au 30 mai
À La Galerie d’art d’Ottawa
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