Louise Robert et Cynthia Girard : Lire entre les lignes
Le Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul présente deux expositions solos des peintres LOUISE ROBERT et CYNTHIA GIRARD. Chez la première, les mots parcourent la toile; chez la seconde, l’histoire s’écrit. Faire parler la peinture.
Au bout des mots
de Louise Robert retrace, à l’aide d’une douzaine de tableaux, pas moins de 25 ans de peinture pour cette artiste montréalaise chez qui les mots côtoient l’agitation des traits sur la toile. Il y en a de superbes d’ailleurs, de ces tableaux à fleur de peau. La peinture de Louise Robert est toujours empreinte de poésie; autant par la présence du texte que par le traitement qu’elle réserve à la couleur. C’est peut-être par l’omniprésence de l’écriture que chaque tableau semble ancré dans la durée, donnant un accès, tel un journal de bord, aux réflexions quotidiennes de l’artiste: "Qu’est-ce que ça veut dire, un jour, un an?" ou bien "Hier qu’ai-je donc fait?" Ça serait trop facile de rapprocher ces œuvres de celles de l’Américain Cy Twombly. Ce qui compte davantage, c’est que le corpus, rassemblé par le critique d’art Gilles Daigneault et mis en circulation par le Musée d’art de Joliette, permet d’envisager l’envergure de cette œuvre.
Alors qu’on se retrouve en compagnie de Louise Robert dans l’histoire récente de la peinture au Québec, Cynthia Girard propose, quant à elle, une "peinture d’histoire". L’artiste en arts visuels est aussi poète. Elle a publié à ce jour cinq recueils de poésie. À Baie-Saint-Paul, Cynthia Girard présente des tableaux et quelques collages qui réfèrent à l’histoire de la Nouvelle-France. Précisons-le: la présentation des tableaux dans la salle sombre du sous-sol du centre d’exposition – d’une architecture remarquable d’ailleurs – s’avère vraiment ingrate. Mais bon. Il serait alarmiste d’y voir à la fois le sort de la jeune peinture comme celui de notre histoire!
En fait, Le Pavillon du Québec de Cynthia Girard est la seconde exposition d’une trilogie s’intéressant à l’histoire. La première, présentée à Skol en 2001, traitait du Québec contemporain. Ce second volet a d’abord été présenté chez Clark avant de se retrouver à Baie-Saint-Paul. Dans un des tableaux, on devine huit saynètes ovales sur un écran d’acrylique rouge: ce sont les saints martyrs canadiens qui sont mis en scène, Jean de Brébeuf et sept autres jésuites se faisant décapiter. Un autre tableau témoigne de la colonisation; c’est la coupe du bois où bûches et O’Henry volent dans l’espace pictural. Tantôt, c’est un "Bienvenue aux dames" dans une taverne de Nouvelle-France qui guide le regard ou bien un clin d’œil au premier contact entre Européens et Indiens avec comme invitée la Compagnie de la Baie d’Hudson voguant dans le cosmos… Tout cela est traité avec un certain humour. Mais ce n’est pas tant l’ironie qui est à l’œuvre dans la peinture de Cynthia Girard qu’un travail contre la peinture. Une tension ou un combat, assurément un pied de nez à toutes les formes de sensualité, voire de séduction, plutôt prisées dans la peinture actuelle. Ici, la peinture est mate, sans beaucoup d’effets; le traitement, sans trop d’artifices. On plonge dans la frugalité davantage que dans l’allégresse. Il y a dans cette peinture, tout en surface ?- que d’aucuns d’ailleurs pourraient qualifier de superficielle -, si peu de rhétorique visant à émouvoir qu’il y a une totale absence de pathos. Autant de qualités qui peuvent s’envisager d’ailleurs comme un statement esthétique. Ainsi, en rejouant sous le mode de la désinvolture des bribes de notre histoire – un sujet au demeurant rarement abordé en art actuel – et en le doublant d’un traitement frôlant parfois l’insolence, la peinture mène à se retrouver devant ce qui apparaît comme essentiel. La peinture de Cynthia Girard a du cran!
Jusqu’au 13 juin
Au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul
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Bloc-notes
Alexandre David (œuvres récentes)
La Galerie Esthésio présente jusqu’au 23 mai un solo de photographies d’Alexandre David. Rendez-vous pour l’inauguration le vendredi 30 avril à 17 h.
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Gratuit et sans intérêts
Le Lieu accueille le collectif de photographes Les DéclencheurEs, qui présentera une série de clichés et une installation vidéo. Inauguration, vendredi le 30 avril dès 20 h.
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Dernier week-end…
Plus que quelques jours pour voir De Millet à Matisse au Musée national des beaux-arts du Québec. Pour ceux et celles qui veulent parfaire leur culture – sérieusement -, il ne faut pas ignorer le passage de cette collection de Glasgow. Jusqu’au 2 mai également, passez chez Vu pour apprécier les montages du Torontois Sadko Hadzihasanovic mettant en scène la figure du Che. C’est sans prétention et super efficace. À voir, aussi chez Vu, les photographies de Mireille Lavoie, qui explorent, avec une subtilité indéniable, les rapports entre le dessin et la photographie. Autre occasion de voir le travail de Mireille Lavoie: elle participera à l’exposition collective Bois, qui débute en mai à la Maison Hamel-Bruneau.