Patrick Bernatchez : Réinventer la roue
Arts visuels

Patrick Bernatchez : Réinventer la roue

Pour son deuxième solo, l’artiste autodidacte PATRICK BERNATCHEZ a monté une exposition énigmatique, mais qui trouve justement sa force dans son pouvoir d’évocation plutôt que dans une approche descriptive.

C’est presque le mausolée postmoderne de Gilles Villeneuve! Dans son exposition à la Galerie B-312, Patrick Bernatchez présente des images très épurées, presque évanescentes, où néanmoins émerge une iconographie "carrossière". Vous y verrez des représentations de casques de course, une image montrant l’intérieur abîmé d’une voiture, des tableaux couverts d’une sorte de peinture pour automobile et puis, ici et là, des représentations de fleurs. Une ode à la voiture, à ses héros modernes mourant dans des courses de Formule 1 ou sur les autoroutes? Quelques gerbes de fleurs peintes pour ces sacrifiés à la déesse de la vitesse?

Je dois dire qu’en voyant cette expo, intitulée Mécanique et débordements, j’ai pensé au film Crash de David Cronenberg. Mais ici, pas de voitures pulvérisées, écrasées, aplaties comme des accordéons, comme on en a vu chez plusieurs artistes – je pense à des œuvres de Sarah Lucas et de Bertrand Lavier, ou même aux voitures de César. Bernatchez va davantage vers la sensualité impeccable et léchée de ces engins bien carrossés que vers le trash concassé. Même si son expo évoque aussi le désastre, la vanité de la beauté de ces bolides, il a su éviter l’exhibition de voitures pliées comme des feuilles de papier. Il ne nous montre pas non plus des voitures intactes, réinventées, comme ont pu le faire Tobias Rehberger, Gabriel Orozco, Maurizio Cattelan, Matthew Barney… Non, ici, l’artiste nous parle d’une esthétique proche de celle des carrosseries, mais d’une manière plus détachée et plus libre.

Bernatchez s’intéresse particulièrement aux surfaces glacées, aux finis léchés, à la brillance, aux reflets. Mais en même temps, il traite de la question de la surface comme tromperie, de l’impossibilité de voir totalement le monde sans être pris dans le piège de la beauté (certaines pièces reflètent si merveilleusement la lumière et l’espace qui les entourent qu’il faut trouver le bon angle pour les voir). Une sorte de glorification de l’esthétique et du design industriels, mais en même temps une certaine mise au tombeau de ceux-ci.

Mécanique et débordements est une expo à la symbolique plus complexe et plus opaque que celle mise en place par Bernatchez à la Galerie Clark, à l’automne 2002. C’est bien ainsi.

Jusqu’au 22 mai
À la Galerie B-312
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