Jacques Bilodeau : Regards et jeux dans l’espace
L’exposition de JACQUES BILODEAU, Transformable, Phase 1, présente ses nouvelles recherches sur le corps, l’espace et le mobilier.
On se demande d’abord ce que c’est: la galerie est lumineuse et, à contre-jour, se dessinent de grands objets sculpturaux formés de vastes enveloppes de plastique transparent contenant d’innombrables petites billes de polymère noir. Ces structures, à la fois sculptures et meubles, possèdent l’étonnante faculté d’être parfaitement malléables ou rigides selon l’addition ou le retrait de l’air. On s’y installe, on utilise un compresseur pour gonfler et dégonfler, et la structure garde l’empreinte du corps, devenant ainsi fauteuil, cloison, cellule d’habitation.
La seconde série d’œuvres se compose de plaques d’acier horizontales et de miroirs superposés, se déplaçant selon plusieurs axes. Ces grandes surfaces mobiles (représentatives de la manière qu’a Jacques Bilodeau d’organiser l’espace par paliers) glissent pour devenir des sièges aux positions multiples et des plates-formes de rencontre. On peut ainsi déplacer les panneaux sur une sorte de roulement à billes pour les transformer en plancher, espace de travail, table.
Ici, la forme définit la fonction aussi bien que l’inverse: l’environnement est pensé comme prolongement physique de l’humain qui y évolue. La manière qu’a Bilodeau de séquencer l’espace rappelle l’architecture traditionnelle japonaise, où l’on déplace des cloisons afin de former des pièces à l’intérieur d’autres pièces, effaçant par exemple toute trace de domesticité et neutralisant l’espace privé. Jacques Bilodeau évoque certaines considérations pratiques à une telle polyvalence spatiale: le très beau vidéo de Jacques Perron et Pascal Grand’maison, présenté à l’entrée de l’exposition, nous montre que la maison de l’artiste est également son atelier. Elle est surtout son Grand Ouvre, point focal de toutes ses recherches et lieu de toutes ses expérimentations. En filigrane, Bilodeau dessine l’idée d’habiter une œuvre d’art ouverte, où tout bouge et se transforme.
L’impression générale n’est finalement pas sans rappeler une certaine esthétique caractéristique de la science-fiction des années 60 (Bilodeau rigole à cette mention: il est d’accord!): des surfaces dépouillées en acier noir, des pièces monolithiques se transformant en se déplaçant, des miroirs qui faussent les perceptions, et surtout, cette inquiétante sensation que les chosent ne sont jamais exactement ce qu’elles semblent être.
La jeune cinquantaine, Jacques Bilodeau a 25 ans de métier derrière lui et une solide carrière internationale. Il vit et travaille à Montréal et a à son actif (outre plusieurs prix et distinctions) bon nombre de réalisations d’aménagements résidentiels et commerciaux, ainsi que plusieurs expositions. À la fois architecte, designer et artiste, son travail est principalement caractérisé par son sens particulier du découpage de l’espace, où il s’amuse à brouiller la frontière entre meubles, art et architecture, contenants et contenus.
Jusqu’au 29 mai
À la Galerie Joyce Yahouda
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