Christos Pantieras : Incarnation de l'absence
Arts visuels

Christos Pantieras : Incarnation de l’absence

L’exposition Migrants/Migrateurs contient des histoires sous-entendues dans des contenants vides, l’esprit d’un passé encore manifeste.

Christos Pantieras est un jeune artiste d’Ottawa produisant chez Enriched Bread Artists Studios. Ayant présenté sa première exposition individuelle à l’École d’art d’Ottawa en 2001, l’artiste exposa deux ans plus tard à AXENÉO7 dans le cadre de Réhabiliter. Maintenant, c’est au tour de la galerie Art-Image de recevoir Pantieras avec un corpus d’installations faites à partir de quelques éléments répétitifs, soit des caissons, des valises, des chandelles, des ampoules suspendues, à faible intensité, ainsi qu’une porte, un bureau et un peu de papier.

L’ambiance théâtrale suggère un départ, un moment latent, comme si le temps était suspendu dans l’entre-deux d’une transition. Même si l’œuvre de Pantieras fait un clin d’œil à l’immigration de son père au Canada, elle est aussi ludique, ouverte à d’autres histoires plus personnelles, en regard de nos propres expériences d’abandon. Car les vides ne libèrent-ils pas, réellement et métaphoriquement, l’espace pour y placer quelque chose d’autre? Même les planchettes, sur lesquelles reposent les installations, rappellent le plancher de bois d’autrefois, mais pourraient tout aussi bien évoquer la palette du lifter venu évacuer les restants du passé… Sur les plans visuel et conceptuel, Migrateurs comporte plusieurs contrastes, dont les bruns des caisses et du meuble agencés avec la pâleur des chandelles et la blancheur du papier, ou encore l’utilisation de l’ampoule électrique, mise en rapport avec les traces de suie sur les murs témoignant de la chandelle jadis utilisée comme système d’éclairage.

Marquant le temps passé, et inévitablement la continuité de la vie, les chandelles sont installées de manière à prendre des allures organiques, telle de la végétation poussant dans les coins ou sur le rebord des caisses depuis longtemps délaissées… De la même manière, un grand nombre de chandelles, reposant au sol les unes à moitié couchées sur les autres de façon à former un rectangle, rappellent le carré d’herbe ou le jardin laissé à lui-même. Quoique l’absence soit présente partout – la flamme au bout des mèches éteintes des chandelles, l’écriture sur le papier, les objets au fond des caisses, des malles et des valises empilées, inutilisées – et qu’il n’y ait plus personne, quelque chose y habite encore, une mémoire imprégnée dans les odeurs, les traces et la disposition des objets laissés derrière. L’installation du bureau sur lequel repose une malle, par exemple, dont une des pattes est coincée entre deux planches du plancher, amène la notion de déstabilisation, de même que la porte, prise entre des planches d’un pan de mur, apporte, quant à elle, l’idée de sortie et d’entrée difficiles… Car la planche passant devant la porte pourrait évoquer celle que l’on fixe à l’entrée des lieux condamnés, tout comme celle utilisée pour remiser certains souvenirs quelque part au fond de la mémoire…

L’œuvre de Pantieras invite à la contemplation de chacun des détails, les uns en dialogue avec les autres, tel l’écho intime d’un passé… Une incarnation de l’absence valant mieux être vue de vos propres yeux.

Jusqu’au 6 juin
Au Centre d’exposition Art-Image
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