John Massey : Un pantin comme tant d'hommes
Arts visuels

John Massey : Un pantin comme tant d’hommes

Nommé Jack, le pantin de bois possède des pieds, des mains et un regard humain. Il possède ses états d’âme, ses fantasmes, sa vie propre, construite sur les assises du réel et de la  fiction…

L’exposition La maison que Jack a bâtie, présentée au Musée canadien de la photographie contemporaine, regroupe des œuvres produites au cours des deux dernières décennies par l’artiste canadien John Massey. Durant ce temps, il se sera d’abord adonné à la fabrication de maquettes de pièces de maison, pour ensuite glisser, plus récemment, vers la photographie d’intérieurs. Comportant diverses séries, cette exposition vous offre une vue considérable de la pratique de l’artiste, en plus d’un audioguide incluant ses commentaires. En complément à cette exposition, le Musée des beaux-arts du Canada vous offre une installation incluant trois projections vidéo intitulée Le Coup de marteau (une illustration partielle). Il s’agit d’un road movie où un automobiliste parle avec un "pouceux", qui s’accompagne, de part et d’autre des personnages, d’illustrations témoignant de leurs perceptions respectives…

Conceptuel, Massey se joue de nos perceptions, engageant le dialogue et les sous-entendus entre des objets inanimés. Par la mise ensemble de quelques éléments – des fauteuils, un foyer, une fenêtre, etc., une bande sonore et du texte -, il réussit à capter non seulement les particularités intérieures des lieux, mais aussi et peut-être même davantage l’intériorité du pantin! Chacune des photographies comporte des indices révélant ensemble une séquence narrative, une bribe de vie s’additionnant aux autres séries pour former progressivement un ensemble complexe, ludique, couvrant différents aspects quotidiens, aussi subjectif qu’un photo-roman. Parfois, un glissement s’opère entre la chose dite ou entendue et sa représentation, laissant entrevoir un nouvel indice teintant la vie intérieure de Jack, c’est-à-dire la maison qu’il a bâtie.

Le temps est un élément inhérent aux œuvres; il y a d’abord celui qui est présent dans le déroulement qu’implique toute histoire, puis celui qu’il faut ici pour les regarder. Certains titres, dont Des premières lueurs de l’aube aux derniers rayons du crépuscule ou Il était une fois 2, sont éloquents en ce sens. Il en va de même pour la série portant le même nom que l’exposition, où le texte d’une comptine anglaise, cyclique, ajoute toujours un nouvel élément au passage pour tout ramener vers le point initial du texte: Le blé qui est dans le grenier que Jack a bâti. Le déroulement de l’histoire, reconstruite par la combinaison du texte, de la bande sonore, de la maquette et de la suite d’images, forme une vie bien rangée: viennent les études, ensuite le travail, puis la maison, le mariage, la sexualité. Et là-dessus, Jack n’est pas toujours "fait en bois"… Ce qui est intéressant, c’est ce rapport indissociable entre l’homme réel entrant parfois en scène et évoquant Jack, et le pantin lui-même. Jack possède la capacité de devenir homme, du moins dans ses rêves les plus fous… Anonyme, le pantin-homme ou l’homme-pantin devient, en fin de compte, une sorte de modèle à suivre, le mode d’emploi d’une vie standard, préfabriquée…

Fin d’histoire triste ou rêvée? C’est selon.

Jusqu’au 6 septembre
Au Musée canadien de la photographie contemporaine
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