Skoltz_Kolgen : Fleurs de peau
L’art technologique a peut-être enfin trouvé sa voie avec le duo SKOLTZ_KOLGEN. Présentée à l’Usine C dans le cadre d’Elektra, leur prestation Epiderm risque de faire date.
Un écran circulaire de 18 mètres de diamètre placé à l’horizontale. En dessous, une cinquantaine de spectateurs pourront s’allonger et vivre une expérience inusitée. Images de synthèse (réalisées entre autres avec le logiciel de pointe Maya) et sons issus de la "nanomusique" se mêleront pour former une œuvre totale.
Voilà Epiderm, la nouvelle installation que le duo montréalais Skoltz et Kolgen présentera durant trois soirs à l’Usine C. Une œuvre qui, grâce au pouvoir des nouvelles technologies, nous donnera la sensation de traverser une couche de peau et sa forêt de poils, d’aller visiter les veines sous-jacentes, puis les cellules et même les atomes qui les composent! Une œuvre qui parlera de l’infiniment petit, de la possibilité avec les nanotechnologies de voyager dans l’inframince. Mais ce sera plus qu’une démonstration des pouvoirs des techniques modernes. Ce sera avant tout une expérience sensorielle totale. Une œuvre qui englobera le spectateur. Selon les dires des artistes, elle rendra "l’image palpable" et "on aura l’impression de voir la musique". C’est souvent le genre de commentaires élogieux que les admirateurs de leur œuvre font à Dominique T. Skoltz et Herman W. Kolgen, qui, depuis huit ans, explorent les possibilités des nouveaux médias et technologies.
Epiderm est une expérience où le son et l’image ont été travaillés totalement ensemble au point où le spectateur ne saura plus "si c’est l’image qui suit le son ou le son qui détermine l’image". Pour réaliser cette fusion, Skoltz et Kolgen ont utilisé des logiciels qui permettent de diviser et d’intervenir sur le son au 1/100 000e de seconde afin de faire une sorte de "chirurgie sonore".
Je dois dire ma méfiance vis-à-vis de l’art issu des nouvelles technologies. Le travail du très célébré David Rokeby me laisse plutôt froid. Tout comme les pièces de Bill Seaman (dont on a pu voir à la Cinémathèque québécoise, en 2001, l’installation interactive Dés chiffrés, vaguement inspirée de Mallarmé). J’ai le sentiment (qui est partagé par bien des critiques et spectateurs) que dans les arts technologiques, c’est bien souvent la technique et une fascination pour celle-ci qui l’emportent sur le contenu. Mais Epiderm semble à mille lieues de ces expériences-là. Si l’œuvre finale est à la hauteur des extraits que j’ai eu le plaisir de voir (en primeur), cette pièce sera une grande réussite. Cela tient au fait que Skoltz et Kolgen ne laissent pas de côté l’aspect esthétique.
Epiderm s’annonce d’une grande beauté. D’une beauté monumentale, de celles que l’on ressent devant une perte d’échelle totale, de celles que l’on expérimente devant des images d’étoiles dans un planétarium. Mais aussi d’une beauté inquiétante, comme celle produite par le cinéma et la vidéo d’avant-garde, où l’œil du spectateur est tout le temps aux aguets, cherchant à comprendre la logique de l’image. Paradoxalement, il y a dans la construction des images d’Epiderm un je-ne-sais-quoi d’ancien et même d’archaïque qui énonce comment ses créateurs ont su allier, avec une précision chirurgicale, histoire des arts et nouvelles technologies.
À l’Usine C
Du 17 au 19 juin