Océanie : Tatous, tabous, Papous
Arts visuels

Océanie : Tatous, tabous, Papous

Mer de Corail, île de Pâques, îles Marquises… Gauguin a tout quitté (même ses enfants) pour aller vivre là-bas. Brel aussi. Mais que voyaient-ils de si enchanteur dans ces contrées lointaines? L’exposition Océanie du Musée Pointe-à-Callière permet d’en comprendre mieux les cultures.

L’époque où les cultures aborigènes d’Amérique étaient considérées comme inférieures est-elle finie? Il fut une époque où les "découvreurs" des Amériques ramenaient en Europe des indigènes, comme ils le faisaient avec des espèces de plantes ou d’animaux exotiques. Il fut une époque où les colonisateurs et les religieux catholiques ou protestants (eh non, il n’y a pas que les musulmans qui puissent être intégristes!) interdisaient les us et coutumes des cultures païennes, prétendument primitives. L’ouverture, en 2006 à Paris, d’un Musée consacré aux arts premiers, et non aux arts primitifs (le changement de terme est important, n’en déplaise à ceux qui critiquent systématiquement le politiquement correct), est significative d’un lent et long changement de mentalité dans la pensée occidentale. Je ne suis pas sûr que de nos jours les cultures non occidentales soient si respectées, mais ce qui est certain, c’est que l’homme blanc a de moins en moins la cote. En Occident, depuis plus d’un siècle, existe une tendance (parfois très mode et branchée, mais aussi parfois très profonde) vers un renouvellement culturel en dehors de la tradition gréco-romaine. Cela se voit entre autres dans le rapport au corps: à la mode de la peau bronzée, presque noire, qui se répand après la Première Guerre mondiale, s’ajoutent de nos jours le body piercing, la scarification, le tatouage…

Voilà pourquoi il faut aller voir l’exposition Océanie. Elle permet d’approfondir notre connaissance d’un univers très différent, longtemps méprisé. Car disons-le, le racisme commence par le manque d’éducation (entre autres dans nos écoles) sur les autres héritages culturels. À travers plus de 200 objets en provenance du Musée L. Pirogini de Rome, cette exposition permet de comprendre une autre civilisation. Bâtonnets nasaux (la prochaine mode branchée en Occident?), colliers de dents de cachalot ou de chien, coiffe masculine faite de becs de calaos papous sont là comme les signes les plus évidents de cet autre monde. Les panneaux explicatifs précis ne manquent pas non plus. Cette expo permet aussi de rendre très relative l’idée de progrès et cette vision d’un Occident en avance sur les autres civilisations. Vous y apprendrez qu’à une certaine époque, "alors que dans le reste du monde on ne pratique que la navigation côtière, les Polynésiens franchissent des milliers de kilomètres sur des pirogues". Vous pourrez aussi y lire que le mot "tabou" vient du polynésien "tapu", qui signifie une "interdiction visant à maintenir l’harmonie entre le monde visible des humains et le monde invisible des esprits. Le châtiment qu’encourt sa violation: maladie, mort ou catastrophe. À l’inverse, respecter les tabous est un gage de bonne santé".

Malgré un prix d’entrée un peu élevé (adultes 10 $, étudiants 6 $), mais qui donne accès au reste du Musée, voilà une petite expo qui abolit pendant quelques heures la distance entre nos latitudes nordiques et ces joyaux du Pacifique.

Jusqu’au 17 octobre
Au Musée d’archéologie et d’histoire Pointe-à-Callière