Opposition Party : Répertoire des oublis
Loin du déséquilibre fiscal, des questions de santé ou encore du scandale des commandites, trois commissaires de la Galerie Saw se sont chargés de rassembler ce qui se trouve en marge du décorum électoral…
Quelques jours avant les élections fédérales était lancée Opposition Party, une exposition collective réunissant plus de 20 artistes de la capitale nationale, chargés de ramener à l’avant-plan plusieurs débats de grande importance, pourtant peu présents dans les discours des différents courants politiques. L’union entre conjoints de même sexe est traitée explicitement dans la toile de Dave Cooper, alors que le sujet de la place des premières nations est soulevé, entre autres, chez Frank Shebageget. L’œuvre de Geneviève Landreville rappelle, quant à elle, la question concernant le soutien aux arts en inscrivant, à même un coussin, l’inscription "I hate art", et ainsi de suite. Allant du point de vue de l’individu à celui de l’ensemble d’une communauté, les artistes revendiquent des droits, mettent en lumière des faits inacceptables, bref, portent des regards acerbes sur ce qui est aberrant. Ils remettent en cause non seulement les différents partis politiques, mais aussi le spectateur, concerné par son rôle de citoyen.
Nécessitant de se rendre, entre autres, dans les rues d’Ottawa et à l’Assemblée des Premières Nations, le projet Kanata Flag Day de Greg Hill consistait à questionner des gens sur la conception d’un nouveau drapeau canadien et sur le remplacement de l’appellation Canada par Kanata, signifiant "petite ville ou village". Se présentant tel un journaliste du Kanata Broadcasting Corporation, micro à la main et accompagné d’une caméra, l’artiste utilise à son avantage le politically correct alimenté par les équipements employés et par le nouveau statut qu’il se donne. Les changements graphiques au drapeau original sont mineurs – la feuille d’érable est simplement remplacée par trois plumes signifiant les autochtones, les Inuits et les métis -, mais combien majeurs sur le plan symbolique… L’artiste nous oblige à reconnaître les peuples des premières nations comme partie intégrante du Canada, rappelant du même coup l’entrechoquement des différentes cultures cohabitant un même territoire. Et, comme seuls les peuples des premières nations sont privés de voix à l’intérieur du système politique, un drapeau est hissé dans la cour de Saw, ripostant aux deux "ex-drapeaux" qui flottent non loin dans le paysage, du haut de leurs édifices fédéraux respectifs.
L’œuvre de Chris Ikonomopoulos vient également déranger nos habitudes, mais en regard, cette fois, de notre consommation excessive. Recouvrant des machines à Coke d’une housse de velours noir, dont une installée à l’une des sorties de Saw, l’artiste perturbera inévitablement l’envie de l’addict des boissons gazeuses… Il en va de même de l’œuvre de Darsha Hewitt, où des emballages de cadres achetés ont été falsifiés, remballés, puis réinstallés sur les tablettes d’un Wal-Mart, se dispersant par l’entremise des consommateurs et peut-être à leur insu, se rendant aux caisses, foutant en l’air l’inventaire du magasin.
Et, comme les enjeux oubliés sont encore plus nombreux au répertoire, seule une visite pourra, en fin de compte, vous révéler ce qui reste.
Jusqu’au 28 août
À la Galerie Saw
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