Artefact 2004 : Croque-nature
Mais à quoi sert l’art public? La Triennale de sculptures urbaines Artefact, qui en est à sa deuxième édition, montre comment il peut être un outil de réflexion sur l’espace collectif. Promenade inspirante proposée par le commissaire GILLES DAIGNEAULT.
Qu’est-ce que la sculpture publique? En fait, c’est presque la même chose que de la sculpture dans un musée, à une exception majeure près: c’est de la sculpture sans gardien.
Cela pourrait sembler une boutade, mais les conséquences de ce constat sont pourtant importantes. Pas de gardien, ça signifie la peur des autorités que les badauds se blessent contre ces sculptures, ce qui impose d’importantes contraintes aux artistes. Pas de gardien implique aussi possibilité de vandalisme, de même que perte de repères pour les visiteurs, qui se demandent parfois s’il y a œuvre ou pas. Bref, la sculpture s’y retrouve en liberté, trouvant un public hors du réseau habituel, mais confrontée parfois à l’indifférence… Néanmoins, la sculpture publique reste en art actuel un champ d’investigation intellectuel important sur les notions de mémoire, de communauté, d’échange. C’est le constat qui s’impose encore une fois en parcourant la triennale Artefact.
On peut commencer la visite sur le mont Royal, juste à côté de la Maison Smith, avec la pièce de Daniel Olson intitulée Je vais penser à la montagne. Elle montre simplement la photo d’un promeneur. Mais c’est une pièce emblématique de cet événement, parcours en forêt qui souligne comment la nature, plus ou moins travaillée, peut être lieu de déambulation aidant la pensée à explorer des parcours inusités. Les philosophes grecs réfléchissaient en se promenant dans un jardin et bien des penseurs (entre autres au 18e siècle) ont repris la métaphore de la promenade comme image du parcours sinueux de la pensée. Quelques pas plus loin, le duo Neva-Gotthilf nous amène à percevoir les monts, montagnes et autres hauteurs comme les cristallisations symboliques des imaginaires d’une société: monts Fuji, Athos et Sinaï remplissent cette fonction. Et notre Montagne (quoique l’appellation soit un peu prétentieuse) est aussi un lieu de communion pour notre société (Saint-Jean de 1975 qui attira plus de 300 000 visiteurs, festifs dimanches des tam-tams…). Alain Storey expose d’ailleurs une sculpture résumant l’histoire de la Montagne. Michel Goulet dresse plus loin un mur formé de plusieurs centaines de milliers de bandelettes de tissu, monument au travail collectif, mais qui évoque aussi ces rubans de solidarité (rouge contre le sida, rose contre le cancer du sein…).
Malgré des pièces moins fortes (celle de Martin Boisseau est peu convaincante), voilà un événement singulier autant que pertinent. Renseignements: www.artefact-montreal.com.
Jusqu’au 26 septembre
Au parc du Mont-Royal