La Grande Parade. Portrait de l’artiste en clown : Le paradis et l’enfer, les deux pieds sur terre
Le rideau ne se lèvera qu’à la fin, peut-être parce que vous y verrez d’abord les coulisses.
Le Musée des beaux-arts du Canada vous offre, après quatre années de travail acharné, l’exposition La Grande Parade. Portrait de l’artiste en clown. En plus de la réunion de près de 200 œuvres datant du XVIIIe siècle à aujourd’hui – ce qui constitue déjà un tour de force -, une panoplie d’activités connexes à l’exposition sont organisées, soit des projections de films, des concerts, des projets artistiques, des conférences, des ateliers, des numéros de cirque et tadadam. Mais des signes, comme l’offre de deux billets pour le prix d’un (jusqu’au 7 août), portent à croire que peu saisissent l’occasion de célébrer un thème pourtant si populaire et rassembleur de foules…
Au-delà des apparences comiques du clown, de l’entarté, de l’aspect héroïque de l’homme canon, le cirque s’avère être un sujet plus vaste, plus profond, outrepassant à plusieurs niveaux les bienséances et les conventions sociales, tant celles d’autrefois que de maintenant. Dans l’installation vidéo en trois parties de Pierrick Sorin, La Bataille des tartes de 1994, un homme se fait lancer des tartes, sous l’œil d’abord amusé du spectateur. Mais bien vite, les tartes n’en finissent plus de surgir, l’amusement cédant place au malaise que provoque la violence. Inspirés à la fois de l’imaginaire et du réel, les artistes auront fait surgir, à travers ce thème, différents aspects (politique, social, etc.) du grand cirque qu’est la vie, sublime tout autant que sordide. En contrepoint, car il est aussi question d’équilibre, les œuvres comportent, au sens métaphorique, des jongleries entre une chose et son opposé. Car l’étrangeté, l’ambiguïté, l’exagération des costumes et des gestes, l’exubérance et la prouesse mises à part, certaines œuvres, dont celles de George Segal ou d’Alexandre Calder, traduisent également une légèreté gracieuse, conférant à l’homme un état de surhomme, comme s’il possédait la capacité de s’élever pour toucher l’éternité.
Les têtes sculptées de Franz Xaver Messerschmidt, témoignaient déjà, autour de 1770, de l’apparition de la grimace dans l’art, ce qui ne fut certainement pas, à l’époque, sans créer la controverse. Aujourd’hui encore, la grimace s’élève contre les bonnes manières et se veut souvent contraire à nos stéréotypes de beauté idéalisée. Le cirque dérange, car il admet d’emblée ce que les conventions considèrent comme des anomalies de la nature, dont la femme à barbe, la fille immense que l’on regarde comme un animal de cirque, le nain à qui l’on confère une certaine marginalité, etc. Le cirque dérange également par le rapport entre l’homme et la bestialité qu’il accentue. Le Singe peintre, peint vers 1740 par Jean-Baptiste-Siméon Chardin, n’évoque-il pas, de façon critique, une certaine conception voulant que l’art soit simplement singeries, divertissements et prouesses techniques? Plus acerbes encore, les œuvres d’artistes tels Paul McCarthy et Ugo Rondinone témoignent d’une lassitude, voire d’un écœurement, par rapport à cette conception aberrante…
Enfin, derrière le maquillage se trouve l’artiste, dans le nouveau rôle que lui aura conféré la modernité.
Jusqu’au 19 septembre
Au Musée des beaux-arts du Canada
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