22e Symposium international d'art contemporain de Baie-Saint-Paul : Portrait de groupe
Arts visuels

22e Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul : Portrait de groupe

Vaste atelier pour les artistes, pèlerinage annuel des amateurs d’art, virée bénéfique pour les citadins, le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul affirme avec cette 22e édition toute sa pertinence.

Chaque année, on dit que c’est un bon cru. Peut-être même le meilleur. Mais en même temps, chaque fois aussi, on avoue dans notre for intérieur que c’est toujours plus ou moins la même chose: pendant quatre semaines, une dizaine de peintres s’installent dans l’aréna, le public fait le tour, les conférenciers viennent causer… Et pourtant, il y a quelque chose d’essentiel dans cet événement. Ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’une expérience à la fois stimulante et exigeante pour les artistes. Et il faut les saluer, dans le plus grand respect de leur travail respectif, de se prêter ainsi au jeu. Le Symposium, c’est aussi une rare occasion pour le public de discuter avec les peintres, de connaître leurs intentions, de se laisser convaincre ou non! Et voilà que se trouve atteint un des objectifs de l’organisation, celui de "mieux faire connaître l’art contemporain" dans cette petite ville, devenue aujourd’hui très touristique, où il y a un nombre considérable de galeries d’art. Baie-Saint-Paul, c’est également un lieu où, depuis la fin du XIXe siècle, quantité de peintres de renommée nationale ont séjourné, attirés par le fleuve, les monts, la rivière… Les René Richard, Clarence Gagnon, Alfred Pellan et Jean Paul Lemieux se sont laissé séduire par la nature de Charlevoix.

Si, en effet, la formule est toujours la même, cette année, des murets séparent le vaste espace de l’aréna. Détail anodin? Pas sûr… Cela permet aux artistes d’avoir un peu plus d’intimité, si relative soit-elle. Que retenir donc de cette expérience? D’abord, le plaisir des rencontres. On sera touché tantôt par l’artiste, tantôt par son œuvre. Parce que c’est surtout cela le Symposium: discuter avec un Éric Lamontagne complètement allumé, qui révèle d’emblée son imaginaire aussi riche que débridé. L’artiste a littéralement reconstitué (peint) un salon dans l’espace. C’est sans prétention et très sympathique. Le tapis au sol est une toile peinte, le foyer en trompe-l’œil au-dessus duquel trône un tableau de chasse est aussi tracé au pinceau. Voilà un univers pictural qui défie la "hiérarchie des genres" dans un joyeux bric-à-brac. Dans un registre plus sobre et avec une virtuosité technique recherchée, le peintre Dominique Gaucher expliquera comment son travail est motivé par une réflexion sur les propres procédés de l’image, sur les enjeux de la représentation, etc. Dominique Gaucher peint avec une distance et une froideur qui s’avèrent tout à fait efficaces. Adoptant une attitude plus ludique, l’artiste d’Halifax Mitchell Wiebe se prête aux regards des spectateurs avec un déguisement de "peintre astronaute" du même esprit que les dessins animés qui peuplent sa peinture. Quant aux tableaux de Sophie Privé, ils s’inspirent de portraits des artistes participant au Symposium, de photographies des repas partagés avec eux, et conservent ce statut ambivalent et inachevé, qui intrigue toujours.

Des artistes étrangers participent aussi au Symposium, comme en témoigne avec pertinence l’heureuse présence de Marina Saleme, une Brésilienne qui produit une peinture sensuelle où domine la couleur. Alberto Ibanez Cerda, peintre mexicain, semble avoir déjà bien cerné la nature canadienne avec des tableaux qui sont le théâtre de réflexions sur la représentation inspirée de la scène locale: canards, bûcheron et baleines. L’Allemand Wolfgang Kessler peut facilement poursuivre ici sa peinture où défilent trains et autoroutes. L’Ontarienne Katharine Harvey, l’Américain Jean-Marie Martin ainsi que Daniel Langevin, avec son excellente peinture au dessin schématique dont la surface laquée est à la fois industrielle et artisanale, rappellent que la peinture emprunte aujourd’hui dix mille voies. La commissaire, critique d’art et historienne Mona Hakim a réuni ces artistes sous le thème de "Surface sensible". Ils partagent tous en effet un intérêt pour les rapports entre photographie et peinture et plus généralement, pour son pouvoir d’illusion. "À l’heure où l’authenticité des images est radicalement remise en doute, écrit la commissaire, les problèmes liés à la représentation sont des plus à propos." Si vous vous y rendez ce week-end, un forum se déroulera le samedi 21 août avec la commissaire de l’événement, l’historien d’art Serge Allaire, le sémioticien de l’image Jean Arrouye, l’historienne de l’art Marie Perreault et l’artiste Pierre Dorion. Lors de ce forum intitulé Jeux et enjeux de la représentation, on se demandera "à quoi la surface picturale est-elle sensible aujourd’hui?"

Jusqu’au 6 septembre
À l’Aréna Luc et Marie-Claude
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