Bettina Hoffmann : Lignes directrices
Arts visuels

Bettina Hoffmann : Lignes directrices

Avec Trouble-fête, Bettina Hoffmann, artiste d’origine allemande mais vivant maintenant à Montréal, signe une mini-rétrospective un peu trop courte et un peu trop éclatée.

Tiraillements devant le travail de Bettina Hoffmann.

Je dois dire que plusieurs images de cette photographe sont d’une grande pertinence. En particulier sa série Maître et chien (2001), qui montre non pas des toutous et leur propriétaire, mais bien des individus posant à quatre pattes, dominés par une autre personne. Ces images révèlent avec un humour caustique la vraie nature, bien souvent, des rapports humains. Regroupées sur un seul pan de mur, les photos de cette série auraient été saisissantes pour le spectateur, mais au Centre Saidye Bronfman, l’artiste a opté pour un dispositif visuel plus que discutable et qui ne s’explique pas uniquement par le problème que pose l’espace trop ouvert de la galerie. Les diverses photos sélectionnées sont souvent exposées de façon mélangée, ce qui donne à l’ensemble un aspect hétéroclite. Parfois, on peut seulement voir deux exemples d’une même série avant de passer à une autre… Le panneau à gauche en entrant pose particulièrement problème. On y glisse d’une photo de la série Affaires intimes (1997) à un collage de plusieurs images tirées de différentes séries. Une méthode qui n’aide pas le visiteur à se retrouver dans le travail de l’artiste. Cela enlève de la cohérence au propos. Ce type de collage (le "copier-coller"), de réorganisation du corpus, est certes une pratique assez courante en art contemporain: Wolfgang Tillmans, par exemple, a souvent procédé ainsi, regroupant ses images dans une mosaïque variant (autant à l’horizontale qu’à la verticale) selon l’exposition. Mais cette manière de faire ne convient pas à tous les corpus d’œuvres.

Et puis il y a à l’intérieur même de la pratique d’Hoffmann un tiraillement dont je ne sais trop quoi penser. Parfois, l’humour acide semble prévaloir: les images d’individus à genoux ou seulement vus du côté de leur arrière-train (de la série Maître et chien, mais aussi quelques Sans titre) me semblent proposer des anti-portraits s’attaquant avec brio à l’idée de la belle photo bourgeoise où le sujet bien cadré est présenté sous son meilleur jour. Cette femme à la fenêtre, placée devant un premier plan complètement flou et qui nous montre seulement sa culotte, en est un bel exemple. Une photo très originale et extrêmement bien réussie. Mais parfois, c’est l’aspect très sérieux, authentique, presque psychologique du portrait qui semble l’emporter. Et ce n’est pas toujours dans cette voie qu’Hoffmann est la plus forte. Certes, les trois vidéos (La Ronde), présentées dans une petite salle, sont très efficaces et nous disent combien être en groupe (ou en famille) ne constitue pas une garantie de dialogue et d’échanges humains. Mais la série de photos d’enfants à l’allure pas très innocente me semble provenir d’un territoire visuel et intellectuel qui a été pas mal couvert ici et ailleurs (citons entre autres Anna Gaskell et Eve K. Tremblay).

Entre ces deux visions du monde, l’une humoristique et l’autre très sérieuse, le travail d’Hoffmann me semble présenter une tension qui aurait au moins nécessité une division plus claire du dispositif de l’exposition. Voici une artiste professionnelle, ayant un talent indéniable, mais qui, malgré sa grande expérience, semble hésiter quant à l’identité de son travail créatif. Vous pouvez poursuivre votre visite en allant voir le site de l’artiste: www.bettinahoffmann.net.

Jusqu’au 12 septembre
Centre des arts Saidye Bronfman
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