Gabriel Jones, Pierre Hamelin, Rencontre Internationale d’Art Performance : Inespéré et inattendu
Gabriel Jones présente pour la première fois ses photographies chez Vu, où il atteint sa cible avec éloquence. Également au centre d’artistes, Valérie Lamontagne.
De grands tirages aux couleurs énigmatiques, un mélange de naturel et d’artificiel, des portraits croqués dans le sud-ouest des États-Unis: les photographies de Gabriel Jones ont un je-ne-sais-quoi. Peut-être que ce sont les compositions et les qualités matérielles de ces photographies, voire leur sens latent, qui laissent planer un doute sur leur véracité. Plusieurs prix ont déjà souligné la qualité du travail de Gabriel Jones. Il a publié ses photographies dans Elle Québec, The Globe and Mail et le New York Times Magazine. Enfin, avec Somewhere on Time, le photographe montréalais se commet dans un centre d’art actuel avec une production numérique qui fait honneur à ce médium.
"Le numérique appliqué à la photographie, simple nouvelle technologie en apparence, engendre en réalité une mutation sans précédent", écrivait récemment Michel Alberganti dans Le Monde. Avec Gabriel Jones, on est en mesure d’envisager les effets que cela peut avoir sur la représentation, parce qu’il fait une démonstration intelligente des moyens du numérique. S’y retrouve quelque chose de déjà vu, ou plutôt de partagé, avec certains photographes contemporains. Notamment avec les Doyon-Rivest et leurs photographies inspirées du monde publicitaire, où se détecte cette même hésitation, cette même attitude froide, appuyant fort sur le moment suspendu, sur le "jeu" des personnages photographiés. Alliant esthétique acérée et technique élaborée, maîtrisée, les photographies de Gabriel Jones renvoient aussi au réalisme magique, "ce mouvement apparu au milieu des années 30 à mi-chemin entre le surréalisme et le retour au réalisme". Assurément, de subtils échanges s’y jouent entre la réalité et sa transformation.
Balthus (1908-2001), dont l’œuvre a aussi été portée par le réalisme magique et qui est connu pour ses "portraits énigmatiques de jeune fille", est à la source des photographies de Valérie Lamontagne, également présentées chez Vu. On ne saurait dire avec la critique d’art Isa Tousignant s’il s’agit là d’"un exemple astucieux de réappropriation féministe". Toujours est-il qu’ici, le procédé se laisse décoder volontiers (superposition de photographies de divers tableaux de Balthus et d’autoportraits de l’artiste), et le sens s’épuise rapidement. En outre, tout cela demeure plutôt séduisant, grâce à la reprise d’œuvres d’un peintre connu et à la sensualité sans équivoque de ses tableaux.
Somewhere on Time de Gabriel Jones
Becoming Balthus de Valérie Lamontagne
Jusqu’au 10 octobre
Chez Vu
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BLOC-NOTES
PETIT HOMMAGE À PIERRE HAMELIN
Celui qui tenait mordicus à ce que son nom soit écrit en lettres minuscules laisse dans le deuil la communauté artistique de Québec. Décédé subitement le 2 septembre, pierre hamelin lègue un œuvre radicalement à l’écart des modes, une approche poétique et ultrasensible des arts visuels, bien loin de la superficialité ambiante. Son absence sera palpable encore longtemps.
RENCONTRE INTERNATIONALE D’ART PERFORMANCE
La Rencontre internationale d’art performance du Lieu revient jusqu’au 26 septembre, avec une quarantaine d’artistes de l’art action. Après un premier week-end consacré aux artistes de Cardiff, du 16 au 19 septembre, ce seront les duos, les collectifs et les artistes asiatiques qui seront à l’honneur. Selon nos sources, il s’agira là des meilleures performances de la biennale. Chez Rouje, dès 20 h chaque soir.
LES ATELIERS OUVERTS
Dixième édition de cet événement pendant lequel des artistes ouvrent généreusement les portes de leurs ateliers. Exposition collective des 27 participants à la Bibliothèque Gabrielle-Roy, où seront distribuées les cartes du parcours. Inauguration le 16 septembre à 17 h 30. Les 18, 19, 25 et 26 septembre.
RETOUR DE BAL
Joël Hubaut a transformé l’Oil de poisson en salle paroissiale pour adultes, le 9 septembre dernier. Accompagné d’une collaboratrice à moitié nue, le Père Hubaut, carburant à la provocation facile, a payé une danseuse professionnelle qui est gentiment venue enlever son string au centre d’artistes de la côte d’Abraham. C’est une soirée dans l’"air du temps", où le corps atteint un haut niveau d’instrumentalisation, qu’a concoctée Hubaut, à qui, au surplus, le philosophe Michel Onfray reproche, dans un essai récent, de recycler "tout bêtement un kitsch déjà épuisé quarante ans plus tôt par Fluxus". Hubaut rappelle surtout qu’il y a beaucoup d’artistes, mais peu d’art… Photos, vidéo et autres éléments du "décor" sont exposés jusqu’au 10 octobre.