Instable : Zut alors!
Arts visuels

Instable : Zut alors!

Dans Instable, l’éventuelle décrépitude des matières nous rappelle inévitablement la nôtre. Que ce soit naturel ou prématurément par l’homme, ce que nous sommes et ce que nous construisons ira vers sa perte.

Comme l’explique le commissaire Jean-Pierre Latour, les œuvres entretiendraient quelque lien avec la tradition des Vanités, ces natures mortes qui avaient pour fonction de nous rappeler l’irréversibilité du temps. Chacun à sa manière, Serge Murphy, Pierre Dion, Louise Viger et Martin Beauregard apportent une réflexion sur l’instabilité de la matière, ou encore sur la concordance de l’objet et de son signifié ou de sa fonction. Par exemple, chez Martin Beauregard, le feu d’artifice devient explosions de bombes, transformant bientôt la magie en destruction, comme à la télévision où les images de guerre sont suivies de celles d’un univers insouciant.

Selon les modes de présentation traditionnels, l’espace qu’occupe généralement le spectateur pour contempler les œuvres d’art ne le confronte pas à la possibilité de les toucher ou, pire encore, de les altérer. Mais, dans Les Bois flottés de Serge Murphy, le spectateur se trouve au milieu de l’œuvre sans distanciation possible. Une foule d’éléments, appartenant aux quotidiens d’hier et d’aujourd’hui, dont un miroir, un sac à main, du fil, une casserole, des dessins, etc., sont déposés, accrochés, empilés, le tout reposant sur des structures de bois à l’équilibre précaire. Occupant la salle pour ne laisser que l’espace nécessaire à la déambulation d’une œuvre à l’autre, les objets nous font constater que notre présence, aussi légitime qu’elle soit, pourrait les faire fatalement basculer. Les constructions de Murphy, à la fois absurdes et familières, évoquent tant l’organisation quotidienne et la consommation que l’amas d’objets abandonnés que l’on aurait repêchés et confinés à un nouveau statut.

Indextrucdébilité, pas sûr, de Pierre Dion, s’attarde à la tension entre l’équilibre et le déséquilibre, mais à l’intérieur d’un tout autre registre, c’est-à-dire celui de la construction et de la réparation. Alors que la matière est récupérée chez Murphy, Dion, en revanche, utilise des matières neuves, dont entre autres des armatures métalliques, des entonnoirs, des jacks et de la tuyauterie. Chaque objet est accoudé par ses extrémités au suivant pour former un immense réseau non fonctionnel utilisant, comme Murphy, tout l’espace de la salle d’exposition. Les éléments tenant sans vis ni boulons, le moindre contact pourrait entraîner sur l’installation un effet de domino. L’une des portes d’entrée de la galerie, bloquée par le passage du réseau, laisse entrer le spectateur, mais, encore une fois, à ses risques et périls ainsi qu’à ceux de l’œuvre. Dans nos élans vers le progrès, l’utopie persiste. De notre volonté de tout organiser et de tout contrôler afin de créer le meilleur des mondes, la construction récente, expérimentale et peu rassurante, exigera bientôt la mise à l’essai, nous rappelant les liens fragiles de la vie. N’est-ce pas ce à quoi Dion fait allusion par le choix de son titre rempli d’ironie?

Non, ni rien ni personne n’échappe à l’emprise du temps… Enfin, qui vivra verra.

Jusqu’au 3 octobre
À AXE-NÉO7
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