Max Stern : Épater la galerie
Arts visuels

Max Stern : Épater la galerie

Max Stern, ça vous dit quelque chose? Il fut l’un des plus grands marchands d’art montréalais. Deux expositions permettent de mieux évaluer sa place dans la vie culturelle d’ici.

Même si vous n’y êtes jamais entré, vous connaissez certainement sa galerie. Avec, trônant sur le pas de sa porte, un exemplaire d’un des Bourgeois de Calais sculptés par Rodin, la Galerie Dominion a été pendant longtemps un des points de repère culturels de notre ville. Mais Max Stern (1904-1987), patron pendant plus de 40 ans de cette célèbre galerie de la rue Sherbrooke, fut-il un grand marchand et un grand collectionneur d’art canadien? À voir les deux expositions qui, ces jours-ci, sont consacrées à cet aspect de sa pratique, nous pourrions presque en douter.

En particulier, le volet présenté à la Galerie Leonard et Bina Ellen (de l’Université Concordia) laisse dubitatif. Dans cette première partie, le commissaire Michel Moreault a réuni des tableaux achetés par des collectionneurs à la Galerie Dominion. Un panorama un peu décevant. Est-ce parce que certains acheteurs n’ont pas voulu prêter leurs meilleures pièces ou est-ce que plusieurs d’entre eux n’ont pas été joints? Est-ce parce que les milieux québécois et canadien avaient (et ont encore de nos jours) une approche frileuse en ce qui concerne les achats en art contemporain? Quelle que soit la raison, les œuvres présentées ne sont pas si exceptionnelles que ça. Loin de là. Parmi les pièces moins fortes, notons celles de Ludger Larose ou d’Homer Watson. Notons aussi la présence d’une peinture trop jolie de Jean Paul Lemieux (qui a fait beaucoup de tableaux faciles).

La deuxième partie de cette expo, montée par les commissaires Édith-Anne Pageot et Jacques Des Rochers au Musée des beaux-arts (MBA), montrant des œuvres choisies dans la donation faite par Max Stern et sa femme Iris à divers musées de Montréal, est d’un niveau artistique nettement plus élevé. Plus précisément, la salle consacrée à Borduas et à Riopelle est superbe, et ce, à la fois au point de vue de la qualité des œuvres que de la présentation muséologique. Ce Cheminement bleu (1955) de Borduas est, par exemple, une pièce majeure. Mais d’autres artistes sont formellement faibles. Mimi Parent me semble parmi ceux-là. Et le tableau Sortie de bain de John Lyman ne fait pas honneur à son œuvre (et cela, même si je ne suis pas un grand admirateur de sa peinture).

Tout comme l’historien de l’art François-Marc Gagnon l’écrit dans le texte du catalogue, je serais enclin à parler du "goût classique" de Max Stern. Stern a appuyé plusieurs artistes représentant une esthétique bourgeoise. Goodridge Roberts en est un exemple. Stanley Cosgrove en est un autre.

Néanmoins, malgré les contraintes du marché canadien (assez conservateur), que Stern ne pouvait pas contourner, il faut tout de même rappeler que ce galeriste a été l’un des principaux animateurs de la vie culturelle d’ici. Ses dons de tableaux de Borduas ou d’œuvres de plusieurs maîtres européens, comme Van Dongen, le confirment. Ce tableau du peintre flamand, Le Maître de la légende de sainte Barbara, qui est présenté en introduction à l’expo au MBA, en est un exemple. Tout comme ce Bourgeois de Calais qui, depuis début septembre, a trouvé sa juste place devant le MBA.

Jusqu’au 23 janvier 2005
Au Musée des beaux-arts
Jusqu’au 9 octobre
À la Galerie Leonard et Bina Ellen