Biennale de Montréal : Perdu dans l'espace
Arts visuels

Biennale de Montréal : Perdu dans l’espace

La quatrième édition de la Biennale de Montréal est pauvre, et ce, malgré un sujet d’une grande richesse.

Dans certaines expositions, c’est le thème qui fait défaut (comme dans tous ces blockbusters sur les impressionnistes). Dans d’autres, le thème limite le sens des œuvres, les contraint à dire quelque chose qui correspond à la vision du commissaire (ce fut le cas pour certaines créations lors de la Biennale de Montréal en 2000, par exemple, cette photo d’un arbre de Geneviève Cadieux, appauvrie par la notion de temps choisie par Peggy Gayle).

Parfois, le thème choisi est excellent, mais les œuvres font défaut. Il en est ainsi de cette Biennale de Montréal 2004. Et la faute revient en grande partie, mais pas uniquement, au manque d’argent, plusieurs commanditaires (dont la Collection Loto-Québec) ayant diminué leur contribution ou s’étant retirés du projet. Cette année, la Biennale a perdu 100 000$ (dont 50 000$ de la SEMIQ, la Société des événements majeurs internationaux du Québec, organisme gouvernemental créé par les péquistes, réorganisé et allégé par les libéraux). Cette Biennale sur l’espace public offre malgré elle un constat déprimant: nos institutions, même gouvernementales, se retirent de la chose publique. Du coup, plusieurs interventions ont été annulées ou remises à plus tard, en mai, telle cette réalisation à la Place des Arts par le cabinet de design et d’architecture West 8.

Cela donne un sentiment général peu agréable, l’impression d’être devant un événement à moitié fini. Et c’est d’autant plus dommage que le sujet est très pertinent. Le titre, Agora: Le Domaine public, souligne en effet une problématique importante. Les espaces publics intéressants manquent à travers le Canada et même dans le monde. À Montréal, rares sont les lieux où, par exemple, on a envie de donner un rendez-vous à un touriste. Rares sont les lieux où la voiture ne dicte pas ses règles.

LES 20 ANS DU CIAC

Je dois donc dire tout mon malaise devant cette Biennale. Il ne faudrait pas profiter de cet échec pour remettre en question la pertinence de l’événement, qui souhaite montrer à Montréal de l’art pas seulement canadien. Nous avons besoin de telles manifestations, malgré les limites inhérentes au genre (les artistes internationaux coûtent cher à faire venir). Grâce au CIAC (le Centre international d’art contemporain, organisant la Biennale) qui fête ses 20 ans, nous avons pu voir défiler à Montréal une liste impressionnante d’artistes. Je ne les nommerai pas; ils sont nombreux à être venus aux Cent jours d’art contemporain puis aux Biennales. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le catalogue publié par le CIAC à l’occasion de ses 20 ans.

Pour avoir une Biennale d’envergure internationale, il faut donc de l’argent. C’est indéniable. Mais bon, on aurait pu cette année se contenter d’une biennale plus locale, avec un important volet de jeunes artistes et d’architectes d’ici. Des noms? Je pense à Raphaëlle de Groot, Massimo Guerrera, Marie-Suzanne Désilets, Sylvie Cotton, Diane Borsato, Mathieu Beauséjour (présent uniquement pour une intervention dans un journal)… L’Action terroriste socialement acceptable (ATSA) devait être là, au premier rang, et pas seulement pour une petite intervention.

PETIT PARCOURS

Qu’en est-il des œuvres présentées? Le couloir blanc de Will Aslop donne lieu à des barbots inintéressants de la part du public. Les photos d’Ed Kostiner ne sont pas du niveau d’un tel événement. Elles montrent des espaces publics (à travers le monde), certes, mais il aurait fallu plusieurs textes ou une bande audio pour nous expliquer les leçons d’urbanisme offertes par ces lieux. L’installation de Vaillancourt déçoit. De bonnes intentions font-elles une bonne œuvre? Malheureusement pas. Et ce n’est pas en mettant une banderole avec la Déclaration des droits de l’homme que l’on crée une forme visuelle révolutionnaire. Heureusement, des images des diverses interventions de l’artiste à travers les décennies sauvent un peu la mise. La salle réservée aux projets architecturaux est plus pertinente. Le projet d’Ève-Barbara Robidoux pour une place à Taiwan est très intéressant. Tout comme l’idée (pas si nouvelle) de NIPpaysage d’utiliser les toits à des fins urbanistiques. Mais avait-on besoin de montrer à nouveau C’est MA place (publique)!, projet qui est resté très longtemps à l’affiche de la Galerie Monopoli?

Signalons donc la qualité des photos de Rajak Ohanian, en particulier cette série de portraits de tous les employés d’une compagnie de textile et la présentation de Ruedi Baur au Centre de design de l’UQÀM. Celui-ci retient l’attention avec, en particulier, son mur de questions. Parmi celles-ci, en voici une, tout à fait d’actualité: "À qui profite cet endormissement presque généralisé, ce désintéressement pour ce qui nous relie?"

Jusqu’au 31 octobre
Principalement dans l’ancien édifice de The Gazette (250, rue Saint-Antoine Ouest)

Jusqu’au 7 novembre
Au Centre de design de l’UQÀM

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