International Geographic : Filmer l'autre
Arts visuels

International Geographic : Filmer l’autre

L’exposition International Geographic rassemble les œuvres de plus de 30 artistes interrogeant la notion d’objectivité dans les films anthropologiques.

"Existe-t-il vraiment un documentaire objectif? Moi, j’en doute." La question est lancée par Stéfan St-Laurent et Tam-Ca Vo-Van, commissaires de l’exposition-événement International Geographic, qui regroupe les œuvres de plus de 30 artistes du Canada et du monde. Qu’est-ce qui distingue l’appropriation culturelle de l’exploitation? Peut-on faire preuve d’une réelle neutralité lorsque nous posons notre regard sur d’autres cultures?

Les vidéastes sélectionnés pratiquent une cinématographie expérimentale proposant une solution de rechange aux productions télévisuelles du style National Geographic. Ils remettent en question les méthodes et mises en scène utilisées lors de la création de documentaires ethnologiques. "Il s’agit d’une pratique influençant l’anthropologie en général", explique Stéfan St-Laurent.

Au-delà de la simple documentation, le vidéaste peut également devenir un catalyseur. Par exemple, notons la vidéo Mysterious Object at Noon, d’Apichatpong Weerasethakul. Le cinéaste a parcouru plusieurs villages thaïlandais, suggérant aux habitants de chaque village la production d’une histoire filmée devant inclure un personnage principal imposé. Selon Tam-Ca Vo-Van, les œuvres ainsi créées "n’ont pas de lien direct entre elles, mais toutes révèlent les préoccupations quotidiennes des villageois". Dans la vidéo Girl’s Celebration (A Festa da Moça) du Brésilien Vincent Carelli, des membres du peuple nambiquara constatent, par le visionnement d’un film réalisé lors d’un rituel, la perte de leur identité culturelle au contact de la culture occidentale. S’ensuivent une réflexion et une revalorisation des traditions qui menaçaient de passer à l’oubli, tel le perçage du nez et des lèvres, qu’ils exécutent devant la caméra.

Soulignons aussi le passage remarqué de Damali Ayo, une artiste de l’Oregon. Celle-ci présente sa performance American/Girl, qui entremêle à la vidéo des trames sonores, des discussions et la réinterprétation de l’œuvre Internet www.rentanegro.com, qui a suscité la controverse aux États-Unis l’an dernier.

Pour sa part, la Galerie Saw accueille les œuvres des artistes Fatimah Tuggar (États-Unis) et Peter Mettler (Canada). Des tableaux illuminés semblent flotter dans l’espace sombre de la galerie et les représentations superposées et translucides donnent à l’ensemble un aspect énigmatique, fantomatique. De larges photographies manipulées par ordinateur sont troublantes en raison de la juxtaposition d’éléments commentant la disparité qui existe entre la réalité nord-américaine et celle des pays du tiers-monde.

La soirée de clôture du 11 novembre comprendra le lancement d’un livre et la première internationale du film You Are Here: Four Corners de laura jeanne lefave de Montréal. Documentant les touristes s’arrêtant et se photographiant devant le monument Four Corners en territoire navajo au Colorado, la cinéaste analyse la "performance" de ces vacanciers. "J’ai beaucoup voyagé et j’ai été intéressée par la façon dont les touristes entrent en contact avec les autres cultures, par l’analyse de leurs mouvements, de la mise en scène. Ce n’est pas un drame et ce n’est pas une comédie, mais quelque chose se passe."

À l’ère de la mondialisation, cet événement riche en documentation constitue une excellente occasion de s’interroger sur les images stéréotypées et les valeurs ayant le pouvoir d’influencer notre appréciation des peuples et cultures qui font désormais partie de notre "village global".

Jusqu’au 13 novembre
À la Galerie Saw (www.galeriesawgallery.com)
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