Catherine Barrette : Les chevaux de Catherine
La fougueuse énergie d’Equus de Catherine Barrette investigue la compartimentation physique et émotive des êtres humains par le système médical.
Catherine Barrette
, une artiste de Gatineau, nous présente Equus, une exposition regroupant ses toiles les plus récentes, au Casino du Lac-Leamy. Les tableaux puisent leur inspiration dans les épreuves vécues par l’artiste et les mécanismes qu’elle a développés afin de réinventer sa vie à la suite d’un grave accident où elle fut happée par une voiture.
Pourquoi le cheval? "Les chevaux ont commencé à peupler mes rêves, mais parfois dans des contextes très différents. Ils se promenaient dans les événements de ma vie", raconte l’artiste. À la suite de son accident, Catherine Barrette a dû faire preuve de volonté afin de surmonter les nombreux obstacles parsemés sur la longue route de la convalescence. Elle ajoute qu’une visite à la ferme en 2002 a marqué un point tournant: "J’ai aperçu un propriétaire et son animal, un jeune étalon. Le cheval montrait des signes de peur, mais tentait de prendre sa place. On sentait la détermination de ne pas être contrôlé. J’ai aimé cette énergie."
La toile Rey évoque le test neuropsychologique du même nom qui est utilisé afin d’évaluer l’étendue des séquelles chez les personnes polytraumatisées. Les chevaux galopent tout autour de la toile, enfermés dans un corridor étanche. Au centre, des cercles et un cube peints à l’aide de grands traits simples évoquent la compartimentation des savoirs, l’isolation ressentie par le patient. La toile La Course se démarque par sa réalisation plus libre, moins encadrée. Des estampes de chevaux flottent parmi des cercles et des séries de chiffres indiquant des dates signifiantes dans la vie du peintre.
Les chevaux sont parfois entiers, parfois sectionnés ou déconstruits. Certains sont fixés à des poteaux, tels des chevaux de carrousel, et d’autres trottent sur trois pattes. Ces représentations font allusion à la déshumanisation du corps par la profession médicale, à la surspécialisation qui entraîne la partition de l’être humain, tant au niveau physique qu’émotif. Les toiles sont presque toutes subdivisées, soit par des traits, soit par le support qui est composé de quatre pièces de bois assemblées. L’artiste n’hésite pas à découper ses toiles pour former d’autres toiles plus petites, isolant certaines parties de l’ouvre et leur insufflant du coup de nouvelles significations.
Catherine Barrette prend un évident plaisir à manipuler la matière et à bâtir les surfaces à l’aide d’une accumulation de matériaux, tels que le plâtre et le goudron sur lesquels seront généreusement appliqués les couleurs et les pigments. Cette texture dense et rugueuse appuie efficacement l’idée de la fragilité du corps par ses craquelures, ses déchirures et les marques générées par l’artiste. La palette de couleurs restreinte crée cependant l’impression d’uniformité, qui n’est nullement aidée par l’éclairage déficient des lieux de l’exposition. Toutefois, la tension entre le symbolisme implicite de liberté et d’énergie, représentées par le cheval et son environnement sombre et encadré, forme une dynamique saisissante qui vaut la peine d’être investiguée. Le cheval devient un symbole polyvalent incarnant la lutte pour la survie, mais aussi le courage de vivre en concordance avec ses rêves et ses ambitions.
Jusqu’au 27 janvier 2005
À la Promenade du roi du Casino du Lac-Leamy
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