Hannah Collins : Le nomadisme de l'image
Arts visuels

Hannah Collins : Le nomadisme de l’image

Dans La Mina, l’artiste anglaise Hannah Collins nous montre la vie fracassée des gitans en Espagne. Un portrait en forme de mosaïque.

En banlieue de Barcelone, entre deux autoroutes et quelques usines (lieu bucolique s’il en est), ont été construits, sous le régime Franco, une série de H.L.M. afin de régler le "problème" gitan dans cette région. En 1973, on est donc venu parquer définitivement un bon nombre de ces individus nomades, marginaux et pauvres dans ce quartier de La Mina. Quelles vies ont trouvées là ces gitans? Quel type de société s’est malgré tout constitué autour de ce non-lieu? Durant un an (dont 23 jours de tournage), Hannah Collins s’est immergée dans cet environnement de La Mina, mais aussi dans la ville de Rubi (elle aussi en Catalogne) où séjournent les derniers gitans nomades en Espagne. Avec l’aide de Manuel Fernandez, du Centre culturel gitan de La Mina, dernier survivant de la génération qui a investi ce lieu il y a plus de 30 ans, ainsi que de plusieurs gitans de la région, elle a constitué un film multi-écran.

Dans celui-ci, elle montre la réalité d’une série de vies qui s’entrecroisent autour de quelques récits principaux.

On y retrouve Tio Emilio, ancien acteur et cascadeur dans plusieurs westerns spaghetti (tournés avec Sergio Leone, Fernando Sancho…). Celui-ci est devenu en quelque sorte l’instance morale de la communauté, le juge qui tranche les conflits (parfois violents) entre gitans et, de plus, la mémoire culturelle du groupe. On y retrouve aussi Nanin, un homme qui n’a pas joué de la trompette depuis la mort de son père et qui se décide à le faire pour trouver de l’argent pour son fils qui a été arrêté… Il pourra aussi transmettre son art à une plus jeune génération. On suit également la vie d’un jeune garçon qui rencontre Tio Emilio, qui va louer un film, qui va au marché aux oiseaux entre deux bretelles d’autoroute, qui nous sert de guide dans cet environnement…

Collins n’essaie pas de créer des récits mythologiques ou une esthétique séduisante autour de son sujet. Elle aurait pu le faire. Le thème des gitans permettait de tomber facilement dans le folklore. Elle a plutôt opté pour un portrait social très dense. Son installation vidéo, tournée en premier lieu en film 35 mm, s’inscrit avec intelligence dans la tradition cinématographique de films comme Shorts Cuts ou Prêt-à-porter de Robert Altman, d’Amores Perros d’Alejandro González Iñárritu ou de Magnolia de Paul Thomas Anderson…

Durant 40 minutes, Collins joue avec les rythmiques visuelles et narratives d’une manière impeccable. Les images se font écho d’une manière complexe et très pertinente. Elles s’ajoutent, se superposent, se dédoublent toujours pour apporter plus de sens au propos. Et du coup, le spectateur se demande bien pourquoi le cinéma commercial n’opte pas plus souvent pour une telle manière de faire qui, à l’évidence, rend compte avec justesse et force de la réalité de la vie.

Jusqu’au 11 décembre
Au centre de l’image contemporaine VOX

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