Hommage à Betty Goodwin : À un cheveu près
Rendre hommage à Betty Goodwin par Des silences en échos, c’est ce que propose le Musée national des beaux-arts du Québec.
Un homme chute dans le vide, tête première. On pense, forcément, à ceux qui se sont laissés tomber du haut des tours jumelles un 11 septembre. Mais l’installation graphique Deux Figures avec tablette en métal a été créée entre 1985 et 1987, soit à une époque où on ne pouvait encore imaginer septembre 2001. Betty Goodwin nous précède dans l’histoire et c’est là où son travail nous dépasse. C’est sans doute aussi pour cette raison que le Musée national des beaux-arts du Québec a voulu rendre hommage à cette artiste dont le travail, s’il a déjà fait couler beaucoup d’encre, reste inépuisable. Réunis sous le titre Des silences en échos par Michel Martin, conservateur de l’art contemporain, une vingtaine de dessins, de gravures, d’installations graphiques et de sculptures, tirés de la collection permanente du MNBAQ et du dépôt de la collection Marc Bellemare, occuperont la salle réservée à l’art actuel jusqu’au 27 mars 2005. Une rare occasion d’approcher l’œuvre de Betty Goodwin à Québec.
Savez-vous combien de temps il faut pour qu’une voix en atteigne une autre? La question est posée, vous est posée et, même si vous n’y répondez pas, Betty Goodwin la reprend sans cesse. En 1985-1986, elle l’aborde sur du papier translucide comme de la peau. Elle y superpose deux corps, unis aussi bien par la tendresse que par la lutte et qui, têtes écrasées contre le mur, n’arrivent pas à se redresser dans un espace pourtant suffisant. Corps en position verticale, comme entraînés vers le sol par leur propre poids, corps désirants, mais blessés et déchirés, ils laissent deviner des mots, des cris qui se perdent dans le silence. Corps indéchiffrables qui habitent l’œuvre de Betty Goodwin depuis longtemps et que l’on retrouve à plusieurs reprises dans Des silences en échos. Combien de temps faut-il pour qu’une voix en atteigne une autre? Posée de nouveau en 1998 dans le bronze, la cire et le métal, la question tire cette fois une longue verticale entre le ciel et la terre et ne garde du corps que l’oreille. Fragile, petite et attentive, l’oreille se voit menacée par le passage du temps lui-même, qui coule de façon inéluctable.
Reprendre une question, un titre, un mot et les soumettre à différents médiums sans jamais les épuiser fait partie de la manière de Betty Goodwin. En résultent des séries de dessins, gravures, sculptures ou installations dont l’exposition Des silences en échos présente quelques brides tout aussi marquantes par leur force intérieure que par les liens qui les traversent. Ainsi les numéros 1, 2 et 3 de la série Nid. Trois eaux-fortes qui font du nid le centre d’où n’émane pas la lumière attendue. Ou encore les numéros 7, 8 et 14 de la série Nerfs. Une installation, deux techniques mixtes sur papier translucide réalisées entre 1993 et 1995; trois œuvres dominées par l’horizontale et par l’idée de la mort certaine.
L’hommage se veut modeste. On n’y cherchera pas une nouvelle lecture de l’œuvre de Betty Goodwin, pas plus que l’on ne cherchera dans ce texte un nouvel éclairage sur le travail de celle qui, en 1986, a reçu le prix Paul-Émile-Borduas. Dire ou écrire que l’œuvre de Betty Goodwin est incontournable est non seulement un euphémisme, mais un lieu commun. Présenter Des silences en échos comme autre chose qu’un simple hommage à celle de qui nous avons tant à apprendre serait une erreur. Néanmoins, par cet hommage, le MNBAQ manifeste sa volonté de pousser encore plus loin la réflexion sur l’art actuel en laissant place à ceux et celles qui en dressent les contours avec force et éloquence.
Des silences en échos: un hommage à Betty Goodwin
Jusqu’au 27 mars 2005
Au Musée national des beaux-arts du Québec
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BLOC-NOTES
PRIMEUR D’UN PRIX
Depuis 1977, jamais le prix Paul-Émile-Borduas n’avait été remis à un artiste des métiers d’art. Mieux vaut tard que jamais: la semaine dernière, le céramiste Maurice Savoie a reçu le prix Paul-Émile-Borduas 2004.
AU VOTE, CITOYENS!
La Ville de Québec a lancé un concours d’œuvres d’art et vous invite à choisir l’œuvre réalisée par un artiste non professionnel qui mériterait d’être primée. Vous avez jusqu’au 3 décembre, à 16 h, pour voter au www.ville.quebec.qc.ca/concours/art/prix_public.shtml.
POULETS FRITS
Des poules, des klaxons et des Morceaux_de_machines au Studio d’essai de Méduse le 20 novembre, à 20 h ou presque. Info: 559-3312.