Jocelyne Alloucherie : Ombres dans la ville
Arts visuels

Jocelyne Alloucherie : Ombres dans la ville

L’artiste Jocelyne Alloucherie présente jusqu’au 5 décembre, à la galerie d’art contemporain Esthésio, une suite de ses œuvres photographiques récentes.

On se souviendra que la production de cette lauréate du prix Paul-Émile-Borduas 2002 avait fait l’objet d’une exposition majeure au Complexe Méduse l’été dernier. Des installations et des photographies étaient alors rassemblées. Dans l’espace plus intime de la galerie de la rue Saint-Paul, c’est exclusivement au travail photographique que nous sommes cette fois confrontés.

Les images grand format, regroupées sous le titre L’Envers, représentent des ombres portées, ombres d’arbres qui se projettent sur ce que l’on devine être des murs ou des bornes dans une ville anonyme. On apprend que tous les clichés ont été pris clandestinement, dans un temps d’accalmie, sur une grande place habituellement pleine d’activités, parfois politiques, parfois festives. Or, avec ses vues fragmentées et partielles, Jocelyne Alloucherie nous présente le silence et les secrets de cette place, par petits bouts, seulement quelques détails, comme si elle ne voulait pas tout à fait nous en dévoiler la vérité. Ou plutôt, comme si elle voulait en dévoiler d’autres visages. Elle nous parle donc des effets changeants de la lumière dans un espace que l’on perçoit tour à tour immatériel puis bien palpable.

Sur le plan technique, il s’agit en fait d’impressions au jet d’encre sur papier Tyvek, utilisé dans le domaine de la construction. Avant le processus d’impression, l’artiste enduit cette surface fibreuse d’une fine couche d’argile blanche. Le support est par la suite monté sur cadre, comme une toile, et encadré. Il importe en effet de bien saisir le comment de ces œuvres qui suscitent d’entrée de jeu mille questions, mille doutes. Des textures extrêmement précises de l’image à celle, bien réelle, du grain du support, l’œil et le toucher sont interpellés tour à tour sans que jamais ce mystère ne soit résolu. Plus qu’à un effet de trompe-l’œil, on assiste à un voyage sans fin qui sublime, tout en y prenant racine, les distinctions de ces deux univers prisés par l’artiste: celui de la matière et celui de l’image.

Plusieurs auront évoqué la ressemblance troublante de cette série avec les œuvres de l’artiste Paul Lacroix, qui travaille notamment avec les ombres calligraphiques que dessinent au sol les arbres de son jardin. Même motif, même effet pictural, même fugacité du temps dans cette présentation essentiellement photographique des œuvres de Jocelyne Alloucherie. Sans trop savoir pourquoi, l’impression est cependant toute différente et c’est dans cette fine distance que s’affirme toute la singularité de l’œuvre. Comme l’a si bien mentionné Sylvain Campeau, commissaire de l’exposition présentée à Méduse l’été dernier, Alloucherie crée des lieux, des habitats, elle aime ces espaces au sein desquels notre regard, et notre corps aussi, peuvent se projeter. On ne saurait ici oublier les liens que tissent ces images avec la pratique installative de l’artiste. Des espaces urbains, donc, des murs qui s’effritent sous l’effet de la lumière et du vent. On cligne des yeux et on oublie la foule. À voir ou à revoir.

Jusqu’au 5 décembre
Chez Esthésio art contemporain

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BLOC-NOTES

MASSACRE À LA SCIE

Dans un tout autre esprit, mentionnons l’événement Massacre à la scie. À l’initiative de Josée Landry-Sirois, Catherine Plaisance et Eugénie Cliche, une vingtaine d’artistes de Québec investissent le 325, rue Saint-Vallier Est, un édifice désaffecté voué à une transformation prochaine. Avec la complicité des propriétaires et regroupés de façon spontanée et très libre, ils s’adonnent donc à cœur joie aux pratiques de l’in situ. En se faufilant dans les corridors étroits maculés de graffitis, on découvrira des œuvres parfois trash, parfois influencées par la BD, et d’autres plus intimistes. Bref, une explosion de propositions généreuses dans un événement extrêmement frais. Bien que le projet prenne toute sa force dans son ensemble, notons au passage les mélanges chromatiques à la fois simples et fascinants de Thierry Arcand-Bossé, la belle mise en espace de Josée Landry-Sirois, la grande beauté d’une installation picturale de Nathalie Thibault et l’investissement sensible de Geneviève Lapierre. L’événement à la fois sauvage et vivifiant se poursuit jusqu’au 5 décembre, tous les jours de 13 h à 17 h.

PREMIERS SOINS EN SANTÉ MENTALE

Autre belle initiative du collectif Folie/Culture: la mise aux enchères des projets d’une trentaine d’artistes à qui on a demandé de créer une petite trousse de premiers soins en santé mentale. La collection est présentée dans les vitrines de la Pharmacie Baron, au 698, rue Saint-Jean, jusqu’au 28 novembre. La vente aux enchères se fait au moyen du site Web de Folie/Culture (www.folieculture.org), également jusqu’au 28 novembre, 23 h 59 (!). Rappelons que, depuis 1990, Folie/Culture ne cesse de nous étonner avec ses Cahiers, qui visent à faire naître diverses propositions artistiques dont l’objectif est d’abord et avant tout de nourrir un questionnement sur la santé mentale.