Ombres cosmologiques : Affinités électives
Arts visuels

Ombres cosmologiques : Affinités électives

Ombres cosmologiques, une exposition photographique de Bill Vazan, organisée et mise en circulation par le Musée du Québec, transforme en un espace étonnant le Centre d’exposition de l’Université de Montréal.

COSMOLOGIE: n.f. (gr. Kosmologia). Étude, science des lois physiques de l’univers.

D’emblée, il y a la scénographie et l’accrochage, particulièrement réussis. Puis, vient une certaine difficulté de lecture liée à la profusion des œuvres et à cette impossibilité de tout voir. Les œuvres de Bill Vazan sont sémantiquement complexes, multicouches, elles fonctionnent en miroir, par reformulation et par juxtaposition. Outre certaines photos autonomes, l’expo Ombres cosmologiques regroupe une trentaine de ces mosaïques et photomontages monumentaux, résultant de projets réalisés en 2000 et 2001 (plusieurs centaines de clichés en tout).

Par des manipulations techniques et des compositions parcellaires, Vazan nous entraîne de la Côte-Nord québécoise (paysages d’eau, énergiques et cassés) aux vestiges de l’Égypte ancienne (hiératique, aux arêtes érodées par le sable et le temps) en décantant d’improbables horizons. De la relation entre ces deux réalités distantes – l’ici maintenant, l’ailleurs autrefois -, réalisée par le médium photographique, l’artiste opère une singulière alliance entre le particulier et l’universel. Depuis cet impossible rêve propre à notre espèce – embrasser la terre dans sa globalité et la marquer de son empreinte -, la recherche de Vazan est à la fois une ode au génie des puissances créatrices de la nature et à celles de l’Homme.

Surtout reconnu comme l’un des plus importants praticiens de "Land art" au Canada, Vazan se penche depuis plus de quarante ans sur les structures formelles de l’univers afin d’y "déceler les indices d’un système unitaire cyclique pouvant expliquer la qualité des rapports que l’humain entretient avec le cosmos". Amené à la photo par le besoin de documenter le résultat de ses œuvres intervenant sur la nature, l’artiste l’utilise ici pour brouiller notre notion d’espace-temps en créant des mondes composites sous la forme d’images fractionnées puis recombinées, ou encore décalées en topologies imaginaires. Par les mouvements rotatifs de sa caméra et les montages qu’il élabore, il oblige le spectateur à appréhender ces lieux comme autant d’univers parallèles se chevauchant et évoluant en multiplicité.

Dans des œuvres comme Grille, Superstrings et Singularités, Vazan fait échec à la géométrie traditionnelle et déjoue la linéarité du temps historique. Fasciné par certaines études en physique contemporaine cherchant à faire lien entre la relativité générale (macrocosmique) et la mécanique quantique (microcosmique) par la théorie des "supercordes", l’artiste cherche à entraîner l’esprit aux limites du familier et de la raison, là où "l’autre côté des choses" se laisse entrevoir et où l’on échappe à la perception tridimensionnelle (les supercordes seraient des particules d’une longueur infinitésimale qui, dans leur interaction vibratoire, modifieraient la structure de base de l’espace-temps). D’immenses photos témoignent également de ses interventions "Land art" (Still Stands, Stand for a Parralel World, Cobra Stand for a Parallel World). Pour lui, la nature et l’homme demeurent profondément indissociables, dans la mesure où le développement cyclique de la première conditionne l’ensemble des activités du second.

Ici, des territoires fortement connotés sont réunis par de brefs sauts quantiques. L’imagination démonte puis recombine, cherche à faire surgir du sens. Les Ombres cosmologiques, ou "recombinaisons électives"…

Jusqu’au 19 décembre
Au Centre d’exposition de l’Université de Montréal
www.expo.umontreal.ca

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