Steve Heimbecker : Dans le vent
Steve Heimbecker, artiste montréalais d’origine albertaine, nous montre le vent! Il lui donne en effet une matérialité et une beauté poétique…
Cela ressemble à un jardin moderne, formé de plantes graciles, longues comme des quenouilles, ensemencées sur une grille de 64 supports, presque des pots, placés dans un coin de la Galerie Oboro. Au bout de longues tiges (de métal), des lumières vertes ajoutent une connotation végétale à l’ensemble. Parfois, du jaune et du rouge y apparaissent tout au bout, comme si ces plantes donnaient naissance à des fleurs. Ces lumières sont en constante mouvance, s’allumant et s’éteignant en créant une dynamique visuelle bien curieuse et qui (si on n’est pas informé de son sens) semble arbitraire.
C’est la plus récente œuvre de l’artiste multidisciplinaire Steve Heimbecker. Dans POD, il utilise un système technologique sophistiqué, se servant d’une série de 64 détecteurs de mouvements, placés (cet été) sur le toit de l’immeuble d’Ex-Centris, boulevard Saint-Laurent. Ces détecteurs ne sont pas là pour déclencher un système d’alarme antivol, mais pour capter le vent! Quel projet étonnant. L’information obtenue par ces capteurs est retransmise en temps réel à ces témoins colorés, à 2880 diodes lumineuses placées en galerie sur ces tiges métalliques. Ainsi les variations et l’amplitude des mouvements de l’air sont montrées par cette échelle colorée allant du vert au rouge, en passant par le jaune. Grâce à ce dispositif, le spectateur peut visualiser le vent, voir ses vagues comme s’il était devant un lac à la surface ondoyante.
Quand le vent souffle fort, l’effet est saisissant. Et parfois l’artiste triche un peu, remplaçant la présentation en direct par l’enregistrement d’une bourrasque plus remarquable. Là, le jeu de lumières devient presque hypnotisant.
Voici une utilisation de la technologie où ce n’est pas le bidule et la fascination qu’il exerce qui l’emportent sur le contenu. Et puis cette œuvre s’inscrit dans une longue histoire. Depuis les Romantiques, le vent est devenu un sujet de la représentation: tableaux montrant des cheveux en bataille flottant dans la tempête chez Friedrich, nuages déclinés sous toutes leurs formes chez Turner… Et puis le vent est devenu un matériau à part entière de la création avec l’art moderne: mobiles de Calder, ballons gonflés de Manzoni, Sky Festival du mouvement japonais Gutai, où les artistes procédaient à des lâchers de ballons emportant chacun une peinture, Sky Line de Hans Haacke, composé de ballons blancs gonflés à l’hélium et attachés à une corde, jets de fumée lancés d’un avion par Robert Morris…
Certes, parfois, quand le vent se fait faible, POD manque d’ampleur. Il aurait peut-être fallu que l’échelle des diodes lumineuses (et des capteurs) soit plus grande. Les faibles mouvements du vent auraient peut-être été montrés alors avec plus de subtilité. Néanmoins une œuvre d’une beauté aérienne et poétique.
Jusqu’au 11 décembre
À la Galerie Oboro
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